Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/277

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de toutes les vieilles races, n’avaient pas plus de droits à s’approprier les mérites des héros barbares dont il leur plaisait de se réclamer, que de honnir les grandes ombres patriciennes du Latium (1)[1].

Reste la question de suprématie pour la Ville. Sur cet article, comme sur les autres, le monde de vaincus abrité sous les aigles impériales fut parfaitement traité.

Les Étrusques, constructeurs de Rome, n’avaient pas eu la prévision des hautes destinées qui attendaient leur colonie. Ils n’avaient pas choisi son territoire dans la vue d’en faire le centre du monde, ni même d’en rendre l’abord facile. Aussi, dès le règne de Tibère, on comprit que, puisque l’administration impériale se chargeait de surveiller les intérêts universels des nations amalgamées, il fallait qu’elle se rapprochât des pays où la vie était le plus active. Ces pays n’étaient pas les Gaules, nulles d’influence, n’étaient pas l’Italie dépeuplée : c’était l’Asie, où la civilisation croupissante, mais générale, et surtout l’accumulation de masses énormes d’habitants, rendaient nécessaire la surveillance incessante de l’autorité. Tibère, pour ne pas rompre du premier coup avec les anciennes habitudes, se contenta de s’établir à l’extrémité de la Péninsule. Il y avait alors plus d’un siècle que le dénouement des grandes guerres civiles et les résultats solides de la victoire ne s’acquéraient plus là, mais en Orient, ou, à tout le moins, en Grèce.

Néron, moins scrupuleux que Tibère, vécut le plus possible dans la terre classique, si douce à ce terrible ami des arts. Après lui, le mouvement qui entraînait les souverains vers l’est devint de plus en plus fort. Tels empereurs, comme Trajan ou Septime Sévère, passèrent leur vie à voyager ; tels autres, comme Héliogabale, visitèrent à peine et en étrangers, la ville éternelle. Un jour, la vraie métropole du monde fut Antioche.



(1) Les gens réfléchis se rendaient bien compte de cette indignité des populations nouvelle vis-à-vis de la gloire des anciennes : « Cn. Pison, accusant indirectement Germanicus, lui reprocha d’avoir, à la honte du nom romain, montré trop de bienveillance, non pour les Athéniens, éteints par tant de désastres, mais pour l’écume des nations qui les avait remplacés. » (Tac., Ann., II, 55.)

  1. (1) Les gens réfléchis se rendaient bien compte de cette indignité des populations nouvelle vis-à-vis de la gloire des anciennes : « Cn. Pison, accusant indirectement Germanicus, lui reprocha d’avoir, à la honte du nom romain, montré trop de bienveillance, non pour les Athéniens, éteints par tant de désastres, mais pour l’écume des nations qui les avait remplacés. » (Tac., Ann., II, 55.)