Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/284

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sont des résultats acceptables. Les classes moyennes du temps n’ont pu manquer de bien accueillir cet holocauste quand on l’a jeté sur leurs autels. Voir des hommes héritiers des plus augustes noms, des hommes dont les pères avaient donné à la patrie mille victoires et mille provinces, voir ces hommes, pour gagner leur vie, réduits à porter la balle et à faire les gladiateurs ; voir des matrones, nièces de Collatin, réduites au pain de leurs amants, ce ne sont pas là des spectacles à dédaigner pour les fils d’Habinas, pas plus que pour les cousins de Spartacus. La seule différence est que le fabricant de cercueils mis en scène par Pétrone désire en arriver là doucement et sans violence, tandis que la bête des ergastules savoure mieux la misère qu’elle-même, en personne, a faite, surtout si elle est ensanglantée. Un État sans noblesse, c’est le rêve de bien des époques. Il n’importe pas que la nationalité y perde ses colonnes, son histoire morale, ses archives : tout est bien quand la vanité de l’homme médiocre a abaissé le ciel à la portée de sa main.

Qu’importe la nationalité elle-même ? Ne vaut-il pas mieux pour les différents groupes humains perdre tout ce qui peut les séparer, les différencier ? À ce titre, en effet, l’âge impérial est une des plus belles périodes que l’humanité ait jamais parcourues.

Passons aux avantages effectifs. D’abord, dit-on, une administration régulière et unitaire. Ici il faut examiner.

Si l’éloge est vrai, il est grand ; cependant on peut douter de son exactitude. J’entends bien qu’en principe tout aboutissait à l’empereur, que les moindres officiers civils et militaires devaient attendre hiérarchiquement l’ordre descendu du trône, et que, sur le vaste pourtour comme au centre de l’État, la parole du souverain était censée décisive. Mais que disait-elle, cette parole, et que voulait-elle ? Jamais qu’une seule et même chose : de l’argent, et, pourvu qu’elle en obtînt, l’intervention d’en haut ne prenait pas souci de l’administration intérieure des provinces, des royaumes, à plus forte raison des villes et des bourgades, qui, organisées sur l’ancien plan municipal, avaient le droit de n’être gouvernées que par leur curie.