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Le suprême éloge adressé à ce système romain, c’est donc d’avoir été ce qu’on nomme régulier et unitaire. J’ai dit de quelle régularité ; voyons maintenant de quelle unité.

Il ne suffit pas qu’un pays ait un maître unique pour que le fractionnement et ses inconvénients en soient bannis. À ce titre, l’ancienne administration de la France aurait été unitaire, ce qui n’est l’avis de personne. Unitaire également se fût montré l’empire de Darius, autre chose fort contredite, et, à ce prix-là, ce qu’on avait connu sous telle monarchie assyrienne était aussi de l’unité. La réunion des droits souverains sur une seule tête, ce n’est donc pas assez ; il faut que l’action du pouvoir se répande d’une manière normale jusqu’aux dernières extrémités du corps politique ; qu’un même souffle circule dans tout cet être et le fasse tantôt mouvoir, tantôt dormir dans un juste repos. Or, quand les contrées les plus diverses s’administrent chacune d’après les idées qui leur conviennent, ne relèvent que financièrement et militairement d’une autorité lointaine, arbitraire, mal renseignée, il n’y a pas là cohésion véritable, amalgame réel. C’est une concentration approximative des forces politiques, si l’on veut ; ce n’est pas de l’unité.

Il est encore une condition indispensable pour que l’unité s’établisse et témoigne du mouvement régulier qui est son principal mérite ; c’est que le pouvoir suprême soit sédentaire, toujours présent sur un point désigné, et de là fasse diverger sa sollicitude, par des moyens, par des voies, autant que possible uniformes, sur les villes et les provinces. Alors seulement les institutions, bonnes ou mauvaises, fonctionnent comme une machine bien montée. Les ordres circulent avec facilité, et le temps, ce grand et indispensable agent de tout ce qui se fait de sérieux dans le monde, peut être calculé, mesuré et employé sans prodigalité inutile, comme aussi sans parcimonie désastreuse.

Cette condition manqua toujours à l’organisation impériale.



contestations entre les cités, entre les autorités d'une même ville, le jugement au criminel, etc., ressortissaient aux tribunaux du souverain. (Savigny, Geschichte des rœmischen Rechtes im Mittelalter, t. I, p. 35 et seqq.)