Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/292

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J’ai montré comment la plupart des maîtres de l’État avaient, dès le principe, abandonné Rome, pour se fixer tantôt à l’extrémité méridionale de l’Italie, tantôt dans les territoires asiatiques, tantôt au nord des Gaules, tandis que d’autres voyagèrent pendant toute la durée de leur règne. Que pouvait être une administration dont les agents ne savaient où trouver sûrement le chef de qui émanait leur pouvoir, et dont ils étaient censés n’exécuter que les ordres ? Si l’empereur s’était constamment tenu à Antioche, il aurait fallu, sans doute, beaucoup de temps pour faire parvenir ses instructions aux prétoires de Cadix, de Trèves ou de l’île de Bretagne ; cependant, à tout prendre, on aurait pu calculer sur cet éloignement la constitution de ces provinces lointaines, l’étendue de la responsabilité accordée aux magistrats pour les régir et les défendre : on serait parvenu ainsi, tant bien que mal, à leur donner une organisation régulière.

Mais, quand un messager parti de Paris ou d’Italica pour prendre des ordres, arrivait lentement à Antioche, et apprenait là que l’empereur était parti pour Alexandrie ; que, le mandataire provincial parvenu dans cette ville, un nouveau départ l’amenait à Naples, et pouvait l’entraîner au delà du Rhin vers les limites décumates, en quoi, je le demande, une telle organisation avait-elle le caractère unitaire ? L’affirmer, c’est soutenir l’absurde ; l’empereur devait laisser, et laissait en effet, à l’initiative du préfet et des généraux une indépendance d’action d’où résultaient les conséquences les plus graves, tant pour la bonne administration du territoire que pour les plus hautes questions, l’hérédité impériale, par exemple.

Si le gouvernement avait été unitaire, ses forces vives étant rassemblées autour du trône, c’eût été à la cour même du prince décédé que la capacité de succession aurait été débattue ; il n’en était nullement ainsi. Quand l’empereur mourait en Asie, son héritier se révélait parfaitement en Illyrie, en Afrique ou dans l’île de Bretagne, suivant que, dans l’une ou l’autre de ces provinces, il s’improvisait un souverain qui avait su rattacher à sa cause plus d’intérêts, et qui ainsi jouissait d’un pouvoir plus étendu. Chaque grande circonscription de