Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/324

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nécessairement compliqué d’un empire vaste et compact. Vivre citoyen d’un municipe aussi étroit que possible, c’était là son rêve. Les conceptions orgueilleuses de domination, d’influence, d’action extérieure, y trouvaient sans doute peu leur compte ; mais, précisément, le Slave ne les connaissait pas. L’agrandissement de son bien-être direct et personnel, la protection de son travail, l’assistance pour ses besoins physiques, la satisfaction de ses attachements, sentiment vif chez cet être doux et affectueux, bien que froid, tout cela lui était assuré par son régime municipal, avec une facilité, une liberté, une abondance qu’un état social plus perfectionné ne saurait jamais produire, il faut l’avouer. Il s’y tenait donc, et la modération de ces goûts si humbles doit lui mériter, au moins, l’hommage des moralistes, tandis que les politiques, plus difficiles à satisfaire, considèrent que les résultats en furent déplorables. L’antique gouvernement de la race blanche, si naturellement propre à servir toutes les dispositions d’indépendance, les plus dangereuses comme les plus utiles, se laissa énerver sans peine par tant de mollesse. On le voulait de plus en plus faible et incertain ; il s’y prêta. Les magistrats, pères fictifs de la commune, continuèrent à ne devoir qu’à l’élection une autorité temporaire, étroitement limitée par le concours incessant d’une assemblée souveraine composée de tous les chefs de famille. Il est bien évident que ces aristocraties rurales et marchandes composaient les républiques les moins exposées aux usurpations de pouvoir que l’espèce blanche ait jamais réalisées ; mais elles en étaient, en même temps, les plus faibles, les plus incapables de résister aux troubles intérieurs comme à l’agression étrangère.

Il n’est pas même sans vraisemblance que les nombreux inconvénients de cet isolement si mesquin ne fissent parfois désirer, à ceux-là même qui en aimaient les douceurs, un changement d’état résultant de la conquête d’un peuple plus habile. Cette calamité, au milieu du dommage qu’elle entraîne nécessairement, leur devait apporter d’une manière non moins sûre plusieurs avantages capables de les frapper, de leur plaire, et, jusqu’à un certain point, de leur fermer les yeux sur la