Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/400

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héros, le félicitaient, l’embrassaient. C’étaient là des délassements de lions.

Passant alors à d’autres idées, ils se mettaient au jeu, passion dominante et profonde chez des esprits amoureux d’aventures, avides de hasards, qui, dans leur façon de s’abandonner, sans réserve et sans mesure, à toutes les formes du danger, en arrivaient souvent à se jouer eux-mêmes et à affronter l’esclavage, plus redoutable dans leurs idées que la mort même. On conçoit que de longues séances ainsi employées pouvaient faire naître d’épouvantables orages, et il était des moments où le seigneur du lieu devait tenir à en écarter même l’occasion. Prenant donc ces imaginations actives par un de leurs côtés les plus accessibles, il avait recours aux récits des voyageurs, toujours écoutés avec une attention également vive et intelligente ; ou bien encore il proposait des énigmes, amusement favori (1)[1] ; ou enfin, profitant de l’influence incalculable dont jouissait la poésie, il ordonnait à son poète de remplir son office.

Les chants germaniques avaient, sous leurs formes ornées, le caractère et la portée de l’histoire, mais de l’histoire passionnée, préoccupée surtout de maintenir éternellement l’orgueil des journées de gloire, et de ne pas laisser périr la mémoire des outrages et le désir de les venger (2)[2]. Elle proposait aussi les grands exemples des aïeux. On y trouve peu de traces de lyrisme. C’étaient des poèmes à la manière des compilations homériques, et, j’ose même le dire, les fragments mutilés qui en sont venus jusqu’à nous respirent une telle grandeur avec un tel enthousiasme, sont revêtus d’une si curieuse

(1) Ce goût des énigmes est un des traits principaux de la race ariane, et, comme il a été remarqué déjà ailleurs, il s’unit au personnage mystérieux du sphynx ou griffon, dont la patiie primitive est incontestablement l’Asie centrale ; c’est de là qu’il est descendu sur le Cythéron avec les Hellènes, après avoir habité le Bolor avec les Iraniens, qui l’appelèrent Simourgh. Les énigmes font partie du génie national des Scythes et des Massagètes dans Hérodote, et c’est de là qu’elles ont continué à vivre dans les préoccupations du génie germanique.

(2) Tac, Germ., 2. — W. Muller, ouvr. cité, p. 207.


  1. (1) Ce goût des énigmes est un des traits principaux de la race ariane, et, comme il a été remarqué déjà ailleurs, il s’unit au personnage mystérieux du sphynx ou griffon, dont la patiie primitive est incontestablement l’Asie centrale ; c’est de là qu’il est descendu sur le Cythéron avec les Hellènes, après avoir habité le Bolor avec les Iraniens, qui l’appelèrent Simourgh. Les énigmes font partie du génie national des Scythes et des Massagètes dans Hérodote, et c’est de là qu’elles ont continué à vivre dans les préoccupations du génie germanique.
  2. (2) Tac, Germ., 2. — W. Muller, ouvr. cité, p. 207.