Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/434

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loi ; mais rien de supérieur qui préparât, qui forçât l’avènement d’une moralité nouvelle, d’une communauté de vues, d’une tendance unanime parmi les hommes, ni qui annonçât cette civilisation sagace qui est la nôtre, et que nous n’aurions jamais obtenue si la barbarie germanique n’en avait apporté les plus précieuses greffes et n’avait pris la charge de les faire réussir sur la tige débile de la romanité, passive, dominée, contrainte, jamais sympathique.

J’ai rappelé quelquefois dans le cours de ces pages, et ce n’était pas inutilement, que les grands faits que je décris, les importantes évolutions que je signale, ne s’opèrent nullement par suite de la volonté expresse et directe des masses ou de tels ou tels personnages historiques. Causes et effets, tout se développe au contraire le plus ordinairement à l’insu ou à l’encontre des vues de ceux qui y contribuent. Je ne m’occupe nullement de retracer l’histoire des corps politiques, ni les actions belles ou mauvaises de leurs conducteurs. Tout entier attentif à l’anatomie des races, c’est uniquement de leurs ressorts organiques que je tiens compte et des conséquences prédestinées qui en résultent, ne dédaignant pas le reste, mais le laissant à l’écart lorsqu’il ne sert pas à expliquer le point en discussion. Si j’approuve ou si je blâme, mes paroles n’ont qu’un sens comparatif et, pour ainsi dire, métaphorique. En réalité, ce n’est pas un mérite moral pour les chênes que d’élever à travers les siècles leurs fronts majestueux, couronnés d’un vert diadème, comme ce n’est pas non plus une honte pour les herbes des gazons de se faner en quelques jours. Les uns et les autres ne font que tenir leurs places dans les séries végétales, et leur puissance ou leur humilité concourent également aux desseins du Dieu qui les a faits. Mais je ne me dissimule pas non plus que la libre action des lois organiques, auxquelles je borne mes recherches, est souvent retardée par l’immixtion d’autres mécanismes qui lui sont étrangers. Il faut passer sans étonnement par-dessus ces perturbations momentanées, qui ne sauraient changer le fond des choses. À travers tous les détours où les causes secondes peuvent entraîner les conséquences ethniques, ces dernières finissent toujours par