Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/438

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

imaginèrent quelque temps le biais de donner à quelqu’un de leurs domestiques romains cette dignité qu’ils n’osaient revêtir eux-mêmes, et, quand le malheureux mannequin faisait mine d’essayer un peu d’indépendance, un mot, un geste, le faisait disparaître.

Tous les avantages semblaient se réunir dans cette combinaison. En dominant l’empereur on dominait l’empire, et cela sans se donner les apparences d’une usurpation trop osée ; en un mot, c’était un expédient bien imaginé. Par malheur, comme tout expédient, il s’usa vite. La vérité perçait trop facilement sous le mensonge. Le Mérowing ne se souciait pas plus de reconnaître pour son souverain le serviteur d’Odoacre qu’Odoacre lui-même. Chacun protesta, chacun repoussa cette contrainte, puis chacun, ayant consulté ses forces, se rendit justice en silence, s’exécuta modestement : l’interrègne fut proclamé, et l’on attendit que l’équilibre des forces eût cessé pour reconnaître à celui qui bien décidément l’emporterait le droit de recommencer la série des empereurs.

Ce ne fut qu’au bout de quatre cents ans que toutes les difficultés se trouvèrent aplanies. Au début de cette période nouvelle, les facilités les plus complètes apparurent à tous les yeux. La plupart des nations germaniques s’étaient laissé affaiblir, sinon incorporer par la romanité ; plusieurs même avaient cessé d’exister comme groupes distincts. Les Visigoths, appariés aux Romains de leurs territoires, ne conservaient plus entre eux et leurs sujets aucune distinction légale qui rappelât une inégalité ethnique. Les Longobards maintenaient une situation plus distincte, d’autres encore faisaient de même ; toutefois il était incontestable que le monde barbare n’avait plus qu’un seul représentant sérieux dans l’empire, et ce représentant, c’était la nation des Franks, à laquelle l’invasion des Austrasiens venait de rendre un degré d’énergie et de puissance évidemment supérieur à celui de toutes les autres races


collègue d’Anastase. Mais ce furent plutôt des prétentions que des réalités, et ces deux circonstances ne sont guère que des curiosités historiques, tant elles furent peu suivies d’effets.