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conquête normande, des ombres peu favorables dont le tableau était notablement enlaidi.

L’Angleterre eut ce bonheur que l’avènement de Guillaume, sans lui rien ôter de ce qu’elle avait d’organiquement bon (1)[1], lui apporta, sous la forme d’une invasion gallo-scandinave, un nombre restreint d’éléments romanisés. Ceux-ci ne réagirent pas d’une manière ruineuse contre la prépondérance du fond teutonique  ; ils ne lui enlevèrent pas son génie utilitaire, son esprit politique, mais ils lui infusèrent ce qui lui avait manqué jusqu’alors pour s’associer plus intimement à la croissance de la civilisation nouvelle. Avec le duc de Normandie arrivèrent des Bretons francisés, des Angevins, des Manceaux, des Bourguignons, des hommes de toutes les parties de la Gaule. Ce furent autant de liens qui rattachèrent l’Angleterre au mouvement général du continent et qui la tirèrent de l’isolement où le caractère de sa combinaison ethnique la renfermait, puisqu’elle était restée par trop celto-saxonne dans un temps où le reste du monde européen tendait à se dépouiller de la nature germanique.


(1) Palsgrave, ouvr. cité, t. I, p. 653. — Cette déclaration d’un des publicistes les plus érudits de l’Anglelerre est certainement digne d’être enregistrée. Elle se fonde, en fait, sur des considérations décisives. Guillaume ne toucha pas à l’organisation représentative ; il ne l’abolit pas ; en 1070, il convoqua lui-même un parlement, witanegemot, où figurèrent les Saxons, d’après la régie légale. Dans le procès contre le comte normand Odon et l’archevêque Lanfranc de Canterbury, ce fut un tribunal saxon qui jugea la cause, à Pennenden Heath, sous la direction d’un witan anglais, versé dans la connaissance des lois, et d’Egilrik, évêque de Chicester. Enfin la ville d’Exeter déclara à Guillaume qu’en vertu de ses droits, elle lui payerait le tribut, gafol, montant à dix-huit livres d’argent, et que, pour subsides de guerre, elle lui donnerait encore la somme des terrains imputable par la loi sur chaque terme de cinq hydes de terre ; qu’elle ne se refusait pas non plus à acquitter les rentes des marais appartenant au domaine royal, mais que les bourgeois ne lui devaient pas le serment d’hommage, qu’ils n’étaient pas ses vassaux, et qu’ils n’étaient pas astreints à le laisser entrer dans leurs murs. — Ces privilèges, qu’Exeter avait en commun avec Winchester, Londres, York et d’autres villes, ne furent pas abrogés par la conquête normande. (Palsgrave, ouvr. cité, t. I, p. 631.)


  1. (1) Palsgrave, ouvr. cité, t. I, p. 653. — Cette déclaration d’un des publicistes les plus érudits de l’Anglelerre est certainement digne d’être enregistrée. Elle se fonde, en fait, sur des considérations décisives. Guillaume ne toucha pas à l’organisation représentative ; il ne l’abolit pas ; en 1070, il convoqua lui-même un parlement, witanegemot, où figurèrent les Saxons, d’après la régie légale. Dans le procès contre le comte normand Odon et l’archevêque Lanfranc de Canterbury, ce fut un tribunal saxon qui jugea la cause, à Pennenden Heath, sous la direction d’un witan anglais, versé dans la connaissance des lois, et d’Egilrik, évêque de Chicester. Enfin la ville d’Exeter déclara à Guillaume qu’en vertu de ses droits, elle lui payerait le tribut, gafol, montant à dix-huit livres d’argent, et que, pour subsides de guerre, elle lui donnerait encore la somme des terrains imputable par la loi sur chaque terme de cinq hydes de terre ; qu’elle ne se refusait pas non plus à acquitter les rentes des marais appartenant au domaine royal, mais que les bourgeois ne lui devaient pas le serment d’hommage, qu’ils n’étaient pas ses vassaux, et qu’ils n’étaient pas astreints à le laisser entrer dans leurs murs. — Ces privilèges, qu’Exeter avait en commun avec Winchester, Londres, York et d’autres villes, ne furent pas abrogés par la conquête normande. (Palsgrave, ouvr. cité, t. I, p. 631.)