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mieux avisés que les Aztèques, ils avaient apprivoisé de nombreux troupeaux d’alpacas et de lamas. Mais chez eux, pas d’éloquence, pas de luttes de parole : l’obéissance passive était la suprême loi. La formule fondamentale de l’État avait indiqué une route à suivre à l’exclusion de toute autre, et n’admettait pas la discussion dans ses moyens de gouvernement. Au Pérou, on ne raisonnait pas, on ne possédait pas, tout le monde travaillait pour le prince. La fonction capitale des magistrats consistait à répartir dans chaque famille une quote-part convenable du labeur commun. Chacun s’arrangeait de façon à se fatiguer le moins possible, puisque l’application la plus acharnée ne pouvait jamais procurer aucun avantage exceptionnel. On ne réfléchissait pas non plus. Un talent surhumain n’était pas capable d’avancer son propriétaire dans les distinctions sociales. On buvait, on mangeait, on dormait, et surtout on se prosternait devant l’empereur et ses préposés ; de sorte que la société péruvienne était assez silencieuse et très passive.

En revanche, elle se montrait encore plus utilitaire que la mexicaine. Outre les grands ouvrages agricoles, le gouvernement faisait exécuter des routes magnifiques, et ses sujets connaissaient l’usage des ponts suspendus, qui est si nouveau pour nous. La méthode dont ils usaient pour fixer et transmettre la pensée était des plus élémentaires, et peut-être faut-il préférer les peintures de l’Anahuac aux quipos.

Pas plus que chez les Aztèques, la construction navale n’était connue. La mer qui bordait la côte restait déserte (1)[1].

Avec ses qualités et ses défauts, la civilisation péruvienne inclinait vers les molles préoccupations de l’espèce jaune, tandis que l’activité féroce du Mexicain accuse plus directement la parenté mélanienne. On comprend assez qu’en présence de la profonde confusion ethnique des races du nouveau continent, ce serait une insoutenable prétention que de vouloir aujourd’hui préciser les nuances qui ressortent de l’amalgame de leurs éléments.

(1) D’Orbigny, ouvr. cité, t. I, p. 215. — Les Guaranis ou Caraïbes, conquérants des Antilles, n’avaient eux-mêmes que des pirogues faites d’un tronc d’arbre creusé. (Ibid.)

  1. (1) D’Orbigny, ouvr. cité, t. I, p. 215. — Les Guaranis ou Caraïbes, conquérants des Antilles, n’avaient eux-mêmes que des pirogues faites d’un tronc d’arbre creusé. (Ibid.)