Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/543

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aux mêmes sources. Les gens des Séleucides et des Ptolémées se croyaient infiniment plus raffinés et plus admirables, parce qu’ils avaient croupi plus de temps dans la corruption et qu’ils étaient plus artistes. Les Romains, se sentant plus utilitaires, plus positifs, bien que moins brillants que leurs ennemis, en auguraient la victoire. Ils avaient raison, et l’événement le prouva.

Le groupe anglo-saxon est autorisé à entrevoir les mêmes perspectives. Soit par conquête directe, soit par influence sociale, les Américains du Nord semblent destinés à se répandre en maîtres sur toute la face du nouveau monde. Qui les arrêterait ? Leurs propres divisions peut-être, si elles venaient à éclater trop tôt. En dehors de ce péril, ils n’ont rien à craindre ; mais il faut avouer aussi qu’il n’est pas sans gravité.

On s’est aperçu déjà que, pour obtenir une vue plus nette du degré d’intensité auquel pouvait parvenir l’action du peuple des États-Unis sur les autres groupes du nouveau monde, il n’a encore été question que de la race qui a fondé la nation, et que, par une supposition tout à fait gratuite, j’ai considéré cette race comme étant encore conservée aujourd’hui dans sa valeur ethnique spéciale et devant y persister indéfiniment. Or, rien de plus fictif. L’Union américaine représente, tout au contraire, entre les pays du monde celui qui, depuis le commencement du siècle, et surtout dans ces dernières années, a vu affluer sur son territoire la plus grande masse d’éléments hétérogènes. C’est un nouvel aspect qui peut, sinon changer, du moins modifier gravement les conclusions présentées plus haut.

Sans doute, les alluvions considérables de principes nouveaux qu’apportent les émigrations ne sont pas de nature à créer à l’Union une infériorité quelconque vis-à-vis des autres groupes américains. Ceux-ci, mêlés aux natifs et aux nègres, sont bien résolument déprimés, et, quelque basse que soit la valeur de certains des apports venus d’Europe, encore ces derniers sont-ils moins entachés de dégénération que le fond des populations mexicaines ou brésiliennes. Il n’y a donc rien, dans les observations qui vont suivre, qui infirme ce qui a été dit