Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/548

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

isolés, consentent à embrasser l’ensemble, à y recueillir les faits semblables, à les rapprocher, à les comparer, et à tirer une conclusion rigoureuse des causes mieux étudiées et dès lors mieux comprises de leur identité fondamentale ; mais l’esprit de l’homme est de sa nature si débile qu’en s’approchant des sciences, son premier instinct est de les simplifier, ce qui d’ordinaire signifie les mutiler, les amoindrir, les débarrasser de tout ce qui gêne et déroute sa faiblesse, et, lorsqu’il a réussi à les défigurer pour des yeux qui seraient plus clairvoyants que les siens, c’est à ce moment seul qu’il les trouve belles, parce qu’elles sont devenues faciles, cependant, dépouillées d’une partie de leurs trésors, elles n’en sauraient plus livrer que des restes trop souvent privés de vie. A peine s’en aperçoit-il. L’histoire n’est pas une science autrement constituée que les autres. Elle se présente composée de mille éléments en apparence hétérogènes, qui, sous des entrelacements multipliés, cachent ou déguisent une racine plongeant à de grandes profondeurs. En élaguer ce qui trouble la vue, c’est faire jaillir peut-être un peu plus de clarté sur les débris qu’on aura conservés ; mais c’est aussi altérer inévitablement la mesure et partant l’importance relative des parties, et rendre impossible de jamais pénétrer le sens réel du tout.

Pour obvier à ce mal qui frappe toute connaissance de stérilité, il faut se résoudre à renoncer à de pareils moyens, et à accepter la tâche avec ses difficultés natives. Si, bien résolu à le faire, on se borne d’abord à chercher sans rien omettre les principales sources du sujet, on découvrira d’une manière certaine qu’il en est trois d’où surgissent les phénomènes les plus dignes d’attirer l’attention. La première de ces sources, c’est l’activité de l’homme prise isolément  ; la seconde, c’est l’établissement des centres politiques ; la troisième, la plus influente, celle qui vivifie les deux autres, c’est la manifestation d’un mode donné d’existence sociale. Que l’on ajoute maintenant à ces trois sources de mouvement et de transformation le fait de la pénétration mutuelle des sociétés, les contours généraux du travail seront tracés. L’histoire avec ses causes, avec ses mobiles, avec ses résultats principaux, sera