Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/254

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méprise, je me déteste moi-même ; mais c’est ainsi que je suis ; les choses ont été trop loin pour que je recule.

» Qu’est-ce qui me force à cette confidence ? Le soin de mon honneur. La vue d’un pistolet dans mes mains, d’un instrument de mort quelconque à ma disposition, me fait frémir ; peut-être que le premier meurtre que j’aurai à commettre n’aura pas le succès des autres. Je n’avais plus d’autre alternative que de vous prendre pour confident ou pour victime. Il valait mieux vous confier la vérité tout entière, sous le sceau du secret, que de vivre dans une crainte continuelle de votre pénétration ou de votre témérité.

» Savez-vous ce que vous avez fait ? Pour satisfaire une vaine fantaisie de curiosité, vous vous êtes vendu vous-même. Vous resterez à mon service, mais vous n’aurez jamais de part à mon affection. Je vous ferai du bien sous le rapport de la fortune, mais vous serez toujours l’objet de ma haine. Si jamais un mot inconsidéré vient à sortir de votre bouche, si jamais vous donnez lieu à mes soupçons ou à ma défiance, attendez-vous à l’expier par votre mort ou peut-être plus cher encore. Vous venez de conclure un marché terrible ; mais il est trop tard pour reculer. Par tout ce qu’il y a de plus sacré et de plus épouvantable au monde, songez à garder votre foi.

» Pour la première fois depuis plusieurs années, ma bouche vient de parler aujourd’hui d’après mon cœur et dès ce moment tout commerce entre mon