Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/257

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mon compte. Jamais je ne ferai rien contre mon maître ; ainsi je ne l’aurai pas pour ennemi. Au milieu de toutes ses infortunes et de toutes ses fautes, je sens que je ne soupire qu’après son bien-être. S’il a été criminel, il faut l’imputer aux événements ; dans d’autres circonstances, les mêmes qualités l’auraient appelé, ou plutôt l’ont appelé de fait, aux actes de la plus sublime bienfaisance. »

Sans doute que mes raisonnements étaient infiniment plus favorables à mon maître que ceux qu’on a coutume de faire en pareil cas sur les hommes désignés sous le nom de grands criminels. Il n’y a pas de quoi s’en étonner, si l’on considère que moi-même je venais de fouler aux pieds les limites du devoir, telles qu’elles sont établies dans la société, et que par conséquent je pouvais éprouver pour les autres coupables une commisération de sympathie. Ajoutez à cela que dans le principe M. Falkland m’était apparu comme une divinité bienfaisante. J’avais observé à loisir, et avec une attention minutieuse qui ne pouvait me tromper, les excellentes qualités de son cœur, et je trouvais en lui l’homme le plus accompli, sans nulle comparaison, que j’eusse jamais rencontré.

Mais, quoique la première impression de terreur qui m’avait frappé fût considérablement adoucie, ma situation ne laissait pas d’être encore fort misérable. Le contentement, la sécurité, la douce insouciance de la jeunesse, m’avaient abandonné pour jamais. Une voix inexorable répétait sans cesse à mon oreille, comme à celle de Macbeth : Plus de