Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/265

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d’intérêt. Sa manière de raconter une histoire ou d’énoncer une idée était nette, expressive et originale ; le style de sa conversation avait quelque chose de singulièrement piquant ; tout ce qu’il avait à me raconter me charmait : en retour, mon attention, ma curiosité et mon ingénuité me rendaient pour M. Forester un auditeur précieux. Il ne faut pas s’étonner si notre commerce devint de jour en jour plus intime et plus cordial.

M. Falkland était destiné à être toujours malheureux, et on eût dit qu’il ne pouvait pas survenir un seul incident dont il ne sût extraire de quoi alimenter son incurable maladie. Excédé par une perpétuelle répétition des mêmes impressions, tout ce qui était nouveau lui causait un dégoût invincible. La visite de M. Forester était pour lui un objet d’antipathie ; à peine pouvait-il le voir sans témoigner sa répugnance par un mouvement que celui-ci ne manquait pas d’apercevoir, mais qui n’excitait que sa pitié, parce qu’il l’attribuait à un effet de l’habitude et de la maladie. Cependant il n’y avait pas une des actions de M. Forester qui ne fût observée avec soin ; la plus indifférente était un sujet d’inquiétude. À peine les premières ouvertures d’une sorte d’intimité entre M. Forester et moi eurent-elles eu lieu, qu’elles firent naître vraisemblablement dans l’âme de mon maître un sentiment de jalousie. Dès lors il me fit entendre qu’il ne lui serait nullement agréable qu’il y eût de fréquentes relations entre moi et son parent.

Que pouvais-je faire ? Fallait-il s’attendre qu’à