Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/285

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d’hier avec M. Forester ; c’est peut-être le hasard ; mais, quoi qu’il en soit, je ne l’oublierai pas. Vous m’écrivez ici que vous avez envie de quitter mon service. À cela, ma réponse est bientôt faite : vous ne le quitterez qu’avec la vie. Si vous en faites seulement la tentative, c’est une folie que vous aurez à maudire tant que vous existerez. C’est là ma volonté ; il n’y a pas à résister. Le moment où vous me désobéirez sur cet article, comme sur tout autre, sera celui qui mettra fin pour jamais à vos extravagances. Il se peut que votre situation soit très-misérable ; c’est votre affaire. Tout ce que je sais, c’est qu’il ne tient qu’à vous d’empêcher qu’elle devienne pire : il n’y a ni chance ni temps qui puisse la rendre meilleure.

» N’allez pas croire que j’aie peur de vous. Je porte une armure contre laquelle tous vos traits sont impuissants. J’ai creusé un abîme sous vos pas, et de quelque côté que vous veuillez remuer, en avant ou en arrière, à droite ou à gauche, il est tout prêt à vous engloutir. Si une fois vous y tombez, vous pourrez appeler à vous si haut qu’il vous plaira, il n’y aura pas d’homme sur terre qui entende vos cris ; arrangez une histoire ; — quelque plausible, quelque vraie même qu’elle soit, le monde entier vous aura en exécration comme un vil imposteur. Votre innocence ne vous servira de rien ; je me ris d’une aussi faible défense. C’est moi qui vous dis cela ; vous pouvez m’en croire. Est-ce que vous ne savez pas, misérable, » ajouta-t-il en changeant de ton tout à coup et en frappant la terre avec furie,