Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/290

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Pendant tout le cours de cette expédition nocturne, mon esprit demeura dans l’enthousiasme, plein de hardiesse et de confiance, accessible seulement à ce qu’il fallait de crainte pour le tenir dans une douce émotion, mais non pour produire rien de pénible ou de douloureux. Après trois heures de marche j’arrivai sans accident au village où je comptais prendre une place dans la voiture publique pour la capitale. Si matin, tout était tranquille, aucun son provenant de créature humaine ne frappa mon oreille. Ce ne fut qu’avec grande difficulté que je parvins à me faire introduire dans la cour d’une auberge, où je trouvai un garçon d’écurie qui pansait ses chevaux. Je reçus de lui l’information peu agréable que, la diligence ne passant par cet endroit que trois fois par semaine, on ne l’attendait pas avant le lendemain six heures du matin.

Cette nouvelle commença à rabattre un peu le transport d’ivresse auquel j’étais livré depuis l’instant où j’avais quitté la maison de M. Falkland. Toute ma fortune en argent comptant montait à environ onze guinées. J’en avais bien à peu près cinquante de plus qui m’étaient venues de la succession de mon père ; mais cette somme était placée de manière à n’être pas à ma disposition pour l’instant, et je doutais même si je ne ferais pas mieux au bout du compte d’y renoncer tout à fait que de m’exposer en la réclamant à laisser un fil à mon persécuteur pour suivre mes traces, ce que j’avais le plus à redouter au monde. Il n’y avait rien que