Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/300

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d’aigreur vous pouviez employer contre lui des expressions dures sans y attacher de sens déterminé ; mais si vous avez quelque grief sérieux contre Williams, je vous prie qu’il n’en soit pas question entre nous avant que je sache si ce garçon est à portée d’être entendu. Pour mon propre compte, je ne me soucie guère de l’opinion des autres. C’est une chose que le monde accorde ou retire avec si peu d’examen, qu’il est impossible de rendre la moindre raison des jugements qu’il porte. Mais cette considération ne m’autorise pas à prendre légèrement une mauvaise opinion de quelqu’un. Le moins que je puisse faire en faveur de ceux qui sont assez malheureux pour encourir le mépris et la haine publiques, c’est d’exiger qu’ils aient été préalablement entendus dans leur défense. Une règle très-sage dans nos lois veut que le juge monte sur le siége sans rien connaître du fond de la cause sur laquelle il va prononcer ; et, comme particulier, je suis décidé à me conformer à cette règle. Je trouve juste de procéder contre un coupable d’une manière sévère et inflexible ; mais plus je mettrai de rigueur dans les conséquences, plus je veux d’impartialité dans les préliminaires. »

Pendant que M. Forester me rapportait ces détails, il me voyait prêt à l’interrompre à chaque mot, tant j’étais tourmenté du besoin d’exprimer une partie des sentiments qu’excitait en moi son récit ; mais il ne voulut jamais me laisser parler. « Non, non, Williams, me dit-il, je n’ai pas voulu entendre M. Falkland contre vous ; je ne veux pas