Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/50

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sance sur terre ne saurait m’empêcher de soutenir un droit. »

Ce fut avec le plus grand sang-froid du monde que M. Falkland prononça ces derniers mots. Il n’y avait rien dans tout son extérieur qui eût la moindre apparence d’un défi, rien qui sentît la hauteur ou le dédain ; mais son ton, à la fois si calme et si élevé, avait quelque chose d’imposant qui réduisit son farouche adversaire à l’impuissance de répliquer. Miss Hardingham avait commencé à se repentir de son épreuve ; mais ses alarmes furent bientôt dissipées par la modération de son nouveau partenaire. M. Tyrrel se retira sans répondre un mot. Il murmura en s’en allant quelques jurements que les lois de l’honneur n’obligeaient pas M. Falkland d’entendre, et qu’en vérité il n’aurait pas été facile d’entendre bien exactement. M. Tyrrel n’aurait peut-être pas cédé si aisément, si son bon sens ne lui eût pas bien fait voir qu’avec toute l’envie possible de tirer vengeance de son rival, il n’était pas sur un bon terrain pour cela. Mais s’il ne put ouvertement obtenir satisfaction de cette atteinte portée à son autorité, il n’en garda pas moins profondément l’impression dans le secret de son âme, et il était assez évident que sa haine amassait des griefs dont il espérait bien quelque jour faire sentir tout le poids à son adversaire.