Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/64

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— Monsieur Tyrrel, j’ai fini. Je prévoyais de fâcheuses conséquences, et je suis venu amicalement vous en avertir. Je me flattais qu’une explication franche n’aurait fait que ramener entre nous la bonne intelligence. Je vois que je me suis un peu trompé ; mais je crois encore pourtant que, quand vous réfléchirez de sang-froid à ce qui s’est passé entre nous vous finirez par rendre justice à la pureté de mes intentions, et par sentir que ma proposition n’était pas déraisonnable. »

M. Falkland se retira. Dans tout le cours de cet entretien, il s’était conduit, sans doute, de façon à inspirer une véritable confiance dans ses paroles. Avec cela, son caractère bouillant n’avait pas été sans effet dans cette scène, et, dans les moments mêmes où il avait fait voir le plus de retenue, il y avait dans sa manière une sorte de hauteur qui ne pouvait manquer d’irriter son adversaire ; l’élévation qu’il déployait, en se montrant maître de lui, était une espèce de reproche indirect. Les plus nobles sentiments lui avaient dicté sa démarche ; mais, sans contredit, elle n’eut d’autre effet que d’envenimer la plaie qu’il s’agissait de guérir.

Quant à M. Tyrrel, il recourut à sa ressource ordinaire, et alla se débarrasser dans le sein de son confident des idées tumultueuses qui le tourmentaient. « Voilà encore, disait-il, une nouvelle ruse de cet homme pour prouver sa prétendue supériorité. Nous savons fort bien qu’il a le talent de babiller. À coup sûr, si l’on gouvernait le monde avec des paroles, il aurait beau jeu. Oh ! certes, oui, il peut