Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/65

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bavarder tout à son aise. Mais qu’est-ce que c’est que du caquet ? Ce n’est pas avec cela qu’on vide une affaire ; au bout du compte, je ne sais quel diable me retenait pour ne l’avoir pas jeté à la porte ; mais tout cela trouvera sa place : c’est un article de plus au compte que nous avons à régler ensemble et qu’il me payera tout au long. Ce Falkland est un vrai démon à ma poursuite. Il ne me laisse pas respirer un moment : le jour, je le trouve partout ; la nuit, je le vois en rêve : il empoisonne toute ma vie. Je voudrais le voir déchirer pièce à pièce avec des tenailles et lui manger le cœur. Je n’aurai pas un moment de repos qu’il ne soit à tous les diables. Je ne sais ce qu’il peut avoir de bon ; mais, pour moi, c’est un instrument de torture continuelle. Y penser seulement pèse sur mon cœur comme un cauchemar ; c’est trop longtemps le supporter. Croit-il qu’il me fera souffrir impunément tout ce que j’endure ? »

Malgré toute l’exaspération de M. Tyrrel, il est probable cependant qu’il rendit quelque justice à son rival. De ce moment il le vit avec encore plus d’aversion, mais ne le regarda plus comme un ennemi méprisable. Il évita davantage sa rencontre, il ne se mit plus à tout propos en attitude hostile contre lui. Il semblait guetter sa victime dans le silence et recueillir tout son venin pour lui porter le coup mortel.