Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/67

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qu’elle ne vînt à le prendre par surprise ; et cette circonstance redoublait encore l’affliction générale.

Mais personne n’en fut aussi affecté que M. Falkland. Peut-être n’y avait-il pas un homme capable d’apprécier aussi bien que lui la vie qui était alors menacée. Il se hâta de se rendre près du malade : mais il éprouva quelque difficulté à se faire introduire. M. Clare, qui n’ignorait pas la nature contagieuse de son mal, avait donné ordre qu’on laissât approcher de lui le moins de monde possible : M. Falkland se fit nommer et on lui fit réponse qu’il était compris dans l’ordre général. Mais il n’était pas d’humeur à se rebuter aisément, il insista avec opiniâtreté, et à la fin il l’emporta ; on se contenta de lui recommander de prendre toutes les précautions d’usage pour se garantir de la contagion.

Il trouva M. Clare dans sa chambre à coucher, mais levé : il était en robe de chambre, assis à un bureau, près de la fenêtre. Il avait l’air serein et tranquille, mais il portait l’empreinte de la mort. « J’avais grande envie, M. Falkland, dit-il, qu’on ne vous laissât pas entrer jusqu’ici, quoiqu’il n’y ait personne au monde que j’aie plus de plaisir à voir ; mais en y pensant mieux, je crois qu’il y a peu de gens qui puissent s’exposer à ce danger-ci avec plus d’espoir de lui échapper. Au moins chez vous, si la garnison était prise, ce ne serait pas par la trahison du commandant de la place. Je ne saurais vous dire comment moi, qui vous prêche ici la prudence, j’ai été imprudent moi-même ; mais que mon exemple ne vous décourage pas ; je ne con-