Page:Goethe-Nerval - Faust Garnier.djvu/282

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dessus des nuages, au-dessus de ses semblables ! Qu’il se tienne ferme à cette terre ; le monde n’est pas muet pour l’homme qui vaut quelque chose. À quoi bon flotter dans l’éternité ? Tout ce que l’homme connaît, il peut le saisir. Qu’il poursuive donc son chemin, sans s’épouvanter des fantômes ; qu’il marche, il trouvera du malheur et du bonheur ; lui qui est toujours mécontent de tout, du mal comme du bien.

LE SOUCI.


Lorsqu’une fois je possède quelqu’un,
Le monde entier ne lui vaut rien ;
D’éternelles ténèbres le couvrent,
Le soleil ne se lève ni ne se couche pour lui ;
Ses sens, si parfaits qu’ils soient,
Sont couverts de voiles et de ténèbres.
De tous les trésors, il ne sait rien posséder ;
Bonheur, malheur deviennent des caprices.
Il meurt de faim au sein de l’abondance.
Que ce soient délices ou tourments,
Il remet au lendemain,
N’attend rien de l’avenir
Et n’a plus jamais de présent.


FAUST.

Tais-toi ! je ne veux pas entendre un non-sens. Va-t’en ! cette mauvaise litanie rendrait fou l’homme le plus sage.

LE SOUCI.


S’il doit aller, s’il doit venir,
La résolution lui manque.
Sur le milieu d’un chemin frayé,
Il chancelle et marche à demi-pas.
Il se perd de plus en plus,
Regarde à travers toute chose,
À charge à lui-même et à autrui ;
Respirant et étouffant tour à tour,
Ni bien vivant, ni bien mort,
Sans désespoir, sans résignation,
Dans un roulement continuel,
Regrettant ce qu’il fait, haïssant ce qu’il doit faire,
Tantôt libre, tantôt prisonnier,
Sans sommeil ni consolation,