Page:Goethe-Nerval - Faust Garnier.djvu/29

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neuf pour l’amour et pour la douleur, et il ne sera pas difficile peut-être de l’amener bien vite au désespoir en agitant ses passions endormies. Tel paraît être le plan de Méphistophélès, qui commence par rajeunir Faust au moyen d’un philtre ; sûr, comme il le dit, qu’avec cette boisson dans le corps, la première femme qu’il rencontrera va lui sembler une Hélène.

En effet, en sortant de chez la sorcière qui a préparé le philtre, Faust devient amoureux d’une jeune fille nommée Marguerite, qu’il rencontre dans la rue. Pressé de réussir, il appelle Méphistophélès au secours de sa passion, et cet esprit, qui devait, une heure auparavant, l’aider dans de sublimes découvertes et lui dévoiler le tout et le plus que tout, devient pour quelque temps un entremetteur vulgaire, un Scapin de comédie, qui remet des bijoux, séduit une vieille compagne de Marguerite, et tente d’écarter les surveillants et les fâcheux. Son instinct diabolique commence à se montrer seulement dans la nature du breuvage qu’il remet à Faust pour endormir la mère de Marguerite, et par son intervention monstrueuse dans le duel de Faust avec le frère de Marguerite. C’est au moment où la jeune fille succombe sous la clameur publique, après ce tableau de sang et de larmes, que Méphistophélès enlève son compagnon et le transporte au milieu des merveilles fantastiques d’une nuit de sabbat, afin de lui faire oublier le danger que court sa maîtresse. Une apparition non prévue par Méphistophélès réveille le souvenir dans l’esprit de Faust, qui oblige le démon à venir avec lui au secours de Marguerite déjà condamnée et renfermée dans une prison. Là se passe cette scène déchirante et l’une des plus dramatiques du théâtre allemand, où la pauvre fille, privée de raison, mais illuminée au fond du cœur par un regard de la mère de Dieu qu’elle avait implorée, se refuse à ce secours de l’enfer, et repousse son amant, qu’elle voit par intuition abandonné aux artifices du diable. Au moment où Faust veut l’entraîner de force, l’heure du supplice sonne ; Marguerite invoque la justice du ciel, et les chants des anges risquent de faire impression sur le docteur