Page:Goethe-Nerval - Faust Garnier.djvu/389

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

répondit d’un ton moqueur : « Je t’accorde trois jours ; mais songe que si tu n’as pas reparu, ce délai expiré, ton ami prend ta place, et je te tiens quitte. »

Méros court chez son ami : « Le roi veut que j’expie sur la croix ma malheureuse tentative ; cependant, il m’accorde trois jours pour assister au mariage de ma sœur ; sois ma caution auprès de lui jusqu’à mon retour. »

Son ami l’embrasse en silence et va se livrer au tyran tandis que Méros s’éloigne. Avant la troisième aurore, il avait uni sa sœur à son fiancé, et il revenait déjà en grande hâte pour ne pas dépasser le délai fatal.

Mais une pluie continuelle entrave la rapidité de sa marche ; les sources des montagnes se changent en torrents, et des ruisseaux forment des fleuves. Appuyé sur son bâton de voyage, Méros arrive au bord d’une rivière, et voit soudain les grandes eaux rompre le pont qui joignait les deux rives et en ruiner les arches avec le fracas du tonnerre.

Désolé d’un tel obstacle, il s’agite en vain sur les bords, jette au loin d’impatients regards : point de barque qui se hasarde à quitter la rive pour le conduire où ses désirs l’appellent ; point de batelier qui se dirige vers lui, et le torrent s’enfle comme une mer.

Il tombe sur la rive et pleure en levant ses mains au ciel : « Jupiter, aplanis ces eaux mugissantes ! Le temps fuit, le soleil parvient à son midi, s’il va plus loin, j’arriverai trop tard pour délivrer mon ami ! »

La fureur des vagues ne fait que s’accroître, les eaux poussent les eaux, et les heures chassent les heures… Méros n’hésite plus ; il se jette au milieu du fleuve irrité, il lutte ardemment avec lui… Dieu lui accorde la victoire.

Il a gagné l’autre rive, il précipite sa marche en rendant grâce au ciel… quand tout à coup, du plus épais de la forêt, une bande de brigands se jette sur lui, avide de meurtre, et lui ferme le passage avec des massues menaçantes.

« Que me voulez-vous ? Je ne possède que ma vie, et je la dois au roi, à mon ami que je cours sauver !… » Il dit.