Page:Goethe-Nerval - Faust Garnier.djvu/419

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bien pleine et bien ronde : « Deux cents pistoles sont promises à qui sauvera ces malheureux ! »

Qui est le brave homme ? est-ce le comte ? Dis-le, mon noble chant, dis-le. Le comte, pardieu ! était brave ; mais j’en sais un plus brave que lui. O brave homme, brave homme, montre-toi ! De plus en plus la mort menace !

Et l’inondation croissait toujours, et l’ouragan sifflait plus fort, et le dernier rayon d’espoir s’éteignait. Sauveur ! sauveur ! montre-toi ! L’eau entraîne toujours des piliers du pont, et entraîne les arches à grand bruit.

« Halloh ! halloh ! vite au secours I » Et le comte montre de nouveau la récompense ; chacun entend, chacun a peur, et nul ne sort de l’immense foule ; en vain le gardien du pont, avec ses enfants et sa femme, criait plus haut que les vagues et l’ouragan.

Tout à coup passe un paysan, portant le bâton du voyage, couvert d’un habit grossier, mais d’une taille et d’un aspect imposants ; il entend le comte, voit ce dont il s’agit, et comprend l’imminence du danger.

Invoquant le secours du ciel, il se jette dans la plus proche nacelle, brave les tourbillons, l’orage et le choc des vagues, et parvient heureusement auprès de ceux qu’il veut sauver ! Mais, hélas ! l’embarcation est trop petite pour les recevoir tous.

Trois fois il fit le trajet malgré les tourbillons, l’orage et le choc des vagues, et trois fois il ramena au bord sa nacelle jusqu’à ce qu’il les eût sauvés tous ; à peine les derniers y arrivaient-ils, que les restes du pont achevèrent de s’écrouler.

Quel est donc, quel est ce brave homme ? Dis-le, mon noble chant, dis-le !… Mais peut-être est-ce au son de l’or qu’il vient de hasarder sa vie ; car il était sûr que le comte tiendrait sa promesse, et il n’était pas sûr que ce paysan perdît la vie.

« Viens ici, s’écria le comte, viens ici, mon brave ami ! Voici la récompense promise ; viens, et reçois-la ! » Dites que le comte n’était pas un brave homme ! — Pardieu ! c’était un noble cœur ! — Mais, certes, un cœur plus