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POÉSIES ALLEMANDES

prisant les avis du premier, s’abandonne à ceux du second.

« Arrière, chien que tu es ! crie le comte furieux au pauvre laboureur, ou je te vais aussi donner la chasse, par le diable ! En avant, compagnons ! et, pour appuyer mes paroles, faites claquer vos fouets aux oreilles de ce misérable ! »

Aussitôt fait que dit ; il franchit le premier les barrières, et sur ses pas, hommes, chiens et chevaux, menant grand bruit, bouleversent tout le champ et foulent aux pieds la moisson.

Le cerf, effrayé, reprend sa course à travers champs et bois, et, toujours poursuivi sans jamais être atteint, il parvient dans une vaste plaine, où il se mêle, pour échapper à la mort, à un troupeau qui paissait tranquillement.

Cependant, de toutes parts, à travers bois et champs, la meute ardente se précipite sur ses traces, qu’elle reconnaît. Le berger, qui craint pour son troupeau, va se jeter aux pieds du comte :

« Miséricorde ! seigneur ! miséricorde ! Faites grâce à mon pauvre troupeau ; songez, digne seigneur, qu’il y a là telle vache qui fait l’unique richesse de quelque pauvre veuve. Ne détruisez pas le bien du pauvre… Miséricorde ! seigneur ! miséricorde ! »

Le cavalier de droite se rapproche encore et fait avec douceur quelques représentations au comte ; mais celui de gauche l’excite, au contraire, à s’inquiéter peu du dommage, pourvu qu’il satisfasse ses plaisirs. Le comte, méprisant les avis du premier, s’abandonne à ceux du second.

« Vil animal ! oses-tu m’arrêter ? Je voudrais le voir changer aussi en bœuf, toi et tes sorcières de veuves : je vous chasserais jusqu’aux nuages du ciel !

« Halloh ! en avant, compagnons, doho ! hussassah !… » Et la meute ardente chasse tout devant elle… Le berger tombe à terre déchiré, et tout son troupeau est mis en pièces.

Le cerf s’échappe encore dans la bagarre ; mais déjà sa