Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome I.djvu/46

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Elle se verra de roses entourée, jeune elle-même comme une rose. Un regard, ô ma chère vie, et je suis bien récompensé !

Partage les sentiments de mon cœur, donne-moi librement ta main, et que la chaîne qui nous lie ne soit pas une faible chaîne de roses !

Avec un petit collier d’or.

Cette feuille ose te porter une chaînette qui, tout accoutumée à la souplesse, aspire à se plier autour de ton col avec mille petits enlacements.

Accorde à la follette son désir ; il est plein d’innocence, il n’est point téméraire : le jour, c’est une petite parure, et, le soir, tu la jettes à l’écart.

Mais, si quelqu’un t’apporte une autre chaîne, qui pèse davantage et serre plus étroitement, je ne saurais te blâmer, Lisette, de balancer un peu.

À Charlotte.

Au milieu du tumulte des plaisirs, des soucis et des peines, je pense à toi, Charlotte ; ils pensent à toi, les deux amis ; ils songent comme, à la paisible clarté du soir, tu nous tendis la main avec grâce, lorsque, dans les fertiles campagnes, au sein d’une magnifique nature, tu nous laissas paraître, légèrement voilés, les traits d’une belle âme.

Je suis heureux de ne t’avoir pas méconnue, et, dès la première heure, avec le pur langage du cœur, de t’avoir nommée une enfant bonne et sincère.

Élevés dans le silence, la retraite et la paix, nous sommes jetés tout à coup dans le monde ; mille et mille flots se jouent autour de nous ; tout nous séduit, divers objets nous plaisent, nous rebutent, et d’heure en heure le cœur balance, facile à se troubler ; nous sentons, et, ce que nous avons senti, le tourbillon du monde le rejette au loin.

Alors, je le sais, peut se glisser en nous mainte douleur, mainte espérance. Charlotte, qui connaît nos sentiments ? Charlotte, qui connaît notre cœur ? Ah ! il voudrait bien être connu, se répandre dans une âme sympathique, et, par ses épanchements, se nourrir deux fois de toutes ses joies et de toutes ses peines.