Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/13

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naient plus que tous les autres. Contre celui qui me poursuit et m’assiége, j’ai recours à l’impudence et à tout ce qui y touche ; l’autre, qui se tait, va droit au cœur, et demande avec le plus d’instance, parce qu’il m’abandonne son affaire. (Il rassemble l’argent sur la table.) Bon Dieu, combien je te remercie de m’avoir sorti de ces embarras et remis à couvert ! (Il soulève un registre.) Ta bénédiction dans les petites choses, à moi qui, dans les grandes, abusai de tes bienfaits ! Et pourtant… le puis-je dire ?… ce n’est pas pour moi que tu le fais, comme je ne fais non plus rien pour moi. N’était cette aimable et douce créature, serais-je assis à ce bureau, et compterais-je les sous et les deniers ? Ô Marianne, si tu savais que celui que tu prends pour ton frère, que celui qui travaille pour toi, avec un tout autre cœur, avec de tout autres espérances… Peut-être !… Ah !… C’est pourtant cruel… Elle m’aime… oui, comme un frère… Non, fi ! c’est encore de l’incrédulité, et elle n’a jamais rien produit de bon… Marianne, je serai heureux ; tu le seras, Marianne. (Entre Marianne.)

Marianne.

Que veux-tu, mon frère ? Tu m’appelles !

Guillaume.

Moi ? Non, Marianne.

Marianne.

Est-ce que la malice te pique, de me faire accourir de la cuisine ?

Guillaume.

Tu as des visions.

Marianne.

D’autres fois peut-être. Mais, Guillaume, je connais trop bien ta voix !

Guillaume.

Eh bien, que fais-tu là dehors ?

Marianne.

Rien que de plumer une paire de pigeons, parce que Fabrice soupera, je pense, avec nous aujourd’hui.

Guillaume.

Peut-être.

Marianne.

Ils sont bientôt prêts, tu n’auras qu’à dire. Il m’apprendra aussi sa nouvelle chansonnette.