Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/14

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Guillaume.

Tu apprends volontiers de lui ?

Marianne.

Il sait de très-jolies-chansons. Et, lorsque ensuite tu es à table et que tu penches la tête, je commence d’abord ; car je sais bien que tu souris, quand je commence une chansonnette qui te plaît.

Guillaume.

L’as-tu deviné ?

Marianne.

Oui ; qui ne vous devinerait pas, vous autres hommes ?… Si tu n’as rien d’autre à me dire, je m’en vais, car j’ai encore bien des choses à faire. Adieu !… Mais donne-moi encore un baiser.

Guillaume.

Si les pigeons sont bien rôtis, tu en auras un au dessert.

Marianne.

C’est pourtant odieux, comme les frères sont grossiers ! Si Fabrice ou tout autre bon jeune homme avait permission de me prendre un baiser, il grimperait aux murs, et monsieur dédaigne celui que je veux lui donner !… À présent je laisse brûler les pigeons ! (Elle sort.)

Guillaume.

Ange ! cher ange ! Que je puisse me contenir ! ne pas lui sauter au cou, et lui tout découvrir !… Nous vois-tu des cieux, sainte femme, qui m’as donné ce trésor à garder ?… Oui, ils savent là-haut ce que nous faisons ! ils le savent !… Charlotte, tu ne pouvais plus magnifiquement, plus saintement récompenser mon amour pour toi, qu’en me confiant ta fille à ta mort ! Tu me donnas tout ce dont j’avais besoin ; tu m’attachas à la vie ! Je l’aimais comme ton enfant… et maintenant… C’est encore pour moi une illusion. Je crois te revoir, je crois que le sort t’a rendue à moi rajeunie ; que je puis aujourd’hui habiter et rester uni avec toi, comme cela ne pouvait ni ne devait se réaliser dans ce premier rêve de ma vie… Heureux ! heureux ! Toutes ces faveurs me viennent de toi, Père céleste ! (Entre Fabrice.)

Fabrice.

Bonsoir !

Guillaume.

Cher Fabrice, je suis bien heureux. Tous les biens fondent