Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/24

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Fabrice.

Chacun observe à sa manière. Je crois que beaucoup de gens ont passé par cette rue, sans avoir pris garde à la vieille marchande de fromage et à ses lunettes.

Guillaume.

Ce qu’on pratique, on s’y intéresse ; et le gain en petit est respectable pour moi, depuis que je sais combien un écu est péniblement acheté, quand il faut le gagner sou à sou. (Il reste quelques moments rêveur.) Je me suis trouvé en chemin tout je ne sais comment. Tant de choses me sont venues à la fois et pêle-mêle dans l’esprit… et ce qui m’occupe dans le plus profond de mon âme… (Il devient pensif.)

Fabrice, à part.

Ce que j’éprouve est bizarre ! Aussitôt qu’il est là, je n’ose avouer que j’aime Marianne… Il faut pourtant que je lui rapporte ce qui s’est passé… (Haut.) Guillaume, dis-moi, tu voulais déloger d’ici ? Tu as peu de place et ton loyer est cher. As-tu en vue un autre logement ?

Guillaume, distrait.

Non.

Fabrice.

Je pensais que nous pourrions nous aider l’un l’autre. J’ai là ma maison paternelle, et je n’occupe que l’étage supérieur : tu pourrais prendre l’autre. Tu ne veux pas, je crois, te marier de sitôt… Tu auras la cour et un petit magasin pour ton entrepôt, et tu me payeras un modique loyer : nous y gagnerons tous les deux.

Guillaume.

Tu es bien bon. Véritablement, cela m’est venu quelquefois à la pensée, quand j’allais chez toi et que je voyais tant de place vide, tandis que j’ai tant de peine à m’arranger… Mais il y a d’autres choses… Il faut laisser cela : ça n’irait pas.

Fabrice.

Pourquoi pas ?

Guillaume.

Si je me mariais ?

Fabrice.

Il y aurait du remède. Garçon, tu aurais place avec ta sœur, et avec une femme cela irait aussi bien.