Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/266

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une image de la force, qui se porte sans cesse en avant. Vis-à-vis, excitant la faveur, une agréable image, qui se complaît en elle-même avec grâce, doucement importune, les yeux alertes, cherche ton regard et s’empresse assidûment. D’autres encore se fondent, tournoyant les unes dans les autres, obéissant à la fumée, selon qu’elle flotte ici ou là, mais toutes obligées à devenir la joie de tes jours. » Alors je m’écriai : « C’est en vain que brille une armée d’étoiles ! c’est en vain que l’on m’offre cette illusion charmante, éclose de la fumée ! Pandore, mon unique trésor, tu ne me trompes pas ! Je ne désire aucun autre bien, ni réel, ni reflété dans le vague de l’air. Sois-moi fidèle ! » Cependant le joyeux chœur des hommes, le chœur de ces êtres nouveaux, s’était rassemblé pour me fêter : ils contemplèrent avec joie les légers enfants de l’air, et les poursuivirent, et s’efforcèrent de les saisir. Mais, fugitives et inaccessibles aux atteintes de mains terrestres, ces images, tantôt s’élevant, tantôt s’abaissant, trompaient sans cesse la foule qui les poursuivait. Et moi, plein de confiance, je courus à mon épouse, et, de mes bras vigoureux, je pressai sur mon sein palpitant l’image de félicité que les dieux m’envoyaient. La délicieuse extase de l’amour fit pour jamais de ce moment le doux rêve de ma vie. (Il se dirige, sous le portique, vers sa couche, et il y monte.)

« Cette couronne, posée par la main des dieux sur les cheveux de Pandore, je vois encore, des yeux et du cœur, comme elle ombrageait son front, comme elle tempérait le feu de ses regards ; je le vois, bien qu’elle se soit depuis longtemps éloignée, comme un astre des deux.

« Mais cette couronne ne se maintient plus ; elle se délie, elle se disperse et sème en abondance ses dons sur toutes les fraîches campagnes. (Épiméthée est peu à peu, saisi par le sommeil.) Oh ! qu’avec joie je recomposerais cette guirlande ! Ô Flore-Cypris ! qu’avec plaisir j’assemblerais tes dons, soit en bouquet, soit en couronne ! Mais couronnes et bouquets ne subsistent pas pour moi ; tout se disperse. Une fleur se trouve, et puis une autre, dans les vertes prairies : je vais cueillant, et je perds ce que j’ai cueilli. Tout a bientôt disparu. Ô belle rose, quand je te sépare de la tige, ô lis, tu n’es déjà plus ! » (Il s’endort.)