Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/57

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LA MARQUISE.

Et ce collier nous appartiendra.

LE MARQUIS.

Ce collier ? à nous ? Tu m’effrayes ! Quelle étrange pensée !

LA MARQUISE.

Crois-tu que mes vues se réduisent à te fournir de montres, de bagues et de boutons d’acier ? Je suis accoutumée à vivre pauvrement, mais non à penser pauvrement…. Assez longtemps nous avons mené une existence misérable, nous avons dù vivre au-dessous de notre condition, au-dessous de la dignité de mes illustres ancêtres : maintenant qu’une occasion se présente, je ne veux certes pas être pusillanime et la laisser échapper.

LE MARQUIS.

Mais, au nom du ciel, quel est ton dessein ? Comment est-il possible de l’exécuter ?

LA MARQUISE.

Écoute-moi ! Je fais accroire au chanoine que la princesse désire posséder le collier, et en cela je ne dis pas, tant s’en faut, un mensonge ; car on sait qu’il lui a plu extraordinairement, et qu’elle aurait été charmée de le posséder. Je dis ensuite au chanoine que la princesse désire acheter le collier, et lui demande seulement de prêter son nom pour cela, de conclure le marché avec les joailliers, de fixer les termes et de payer d’abord le premier ; qu’elle le dédommagera entièrement, et regardera ce service comme un gage de sa fidélité, de son dévouement.

• LE MARQUIS.

Comme il doit être aveuglé pour risquer autant !

LA MARQUISE.

Il croit aller à coup sûr. Et puis je lui ai déjà remis un écrit, dans lequel la princesse paraît lui promettre sûreté.

LE MARQUIS.

Chère femme, cela devient dangereux !

LA MARQUISE.

Fi donc ! Avec moi, tu peux tout risquer. Je me suis tenue sur mes gardes pour les expressions et la signature. Sois tranquille…. Et quand tout serait découvert, ne suis-je pas, en quelque façon, reconnue comme une branche collatérale de la famille du prince ?… Écoute, le chanoine est à présent au comble