Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/174

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MÉPH1STOPHÉLÈS.

Tope !

FAUST.

Et sur-le-champ !… Si jamais je dis au moment : « Demeure ; tu es si beau !… » alors tu pourras me jeter dans les chaînes ; alors je consens à périr ; alors la cloche des morts peut sonner ; alors tu es affranchi de ton service. Que l’horloge s’arrête, que l’aiguille tombe, et que le temps n’existe plus pour moi !

MÉPHISTOPHÉLÈS.

Songes-y bien, nous ne l’oublierons pas.

FAUST.

C’est ton droit sans réserve ; je ne me suis pas aventuré à l’étourdie. Dans ma condition présente, je suis esclave : le tien ou celui d’un autre, que m’importe ?

MÉPHISTOPHÉLÈS.

Je remplirai dès aujourd’hui mon office de valet au repas du docteur. Un mot seulement !…"Pour l’amour de la vie ou de la mort, je demande une couple de lignes.

FAUST.

Eh quoi ! pédant, tu demandes aussi un écrit ? Ne sais-tu donc pas encore ce que c’est qu’un homme et la parole d’un homme ? N’est-ce pas assez qu’un mot de ma bouche dispose à jamais de mes jours ? Le monde s’abandonne avec fureur à tous les courants, et une promesse m’enchaînera ? Mais cette chimère possède notre cœur. A qui plaira-t-il de s’en affranchir ? Heureux qui porte la foi pure dans son sein ! Il ne regrettera jamais aucun sacrifice. Mais un parchemin écrit et scellé est un fantôme dont chacun s’effraye. La parole expire déjà dans la plume : c’est la cire et la peau qui ont l’autorité. Que veux-tu de moi, esprit malin ? Airain, marbre, parchemin, papier ?… Dois-je écrire avec un style, un ciseau, une plume ? Je t’en laisse le libre choix.

MÉPHISTOPHÉLÈS.

Pourquoi t’échauffer ainsi et te mettre en frais d’éloquence ? Le moindre papier suffira. Tu signeras avec une goutte de sang.

FAUST.

Si cela te satisfait pleinement, je donne les mains à cette simagrée.

MÉPHISTOPHÉLÈS.