Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/229

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PHISTOPHÉLÈS.

Avez-vous bientôt mené cette vie assez longtemps ? Comment peut-elle vous plaire à la longue ? C’est fort bien d’en essayer une fois ; mais ensuite on passe à quelque chose de nouveau.

FAUST.

Je voudrais te voir occupé à quelque chose de mieux que de me tourmenter dans mes bons jours.

MÉPHISTOPHÉLÈS.

Là, là, je te laisse volontiers en repos. Tu ne peux me parler de la sorte sérieusement : un compagnon tel que toi, disgracieux, grondeur et fou, est véritablement peu regrettable Tout le jour on a les mains pleines : ce qui lui plaît et ce qu’il faut éviter, on ne peut jamais le deviner au bout du nez de monsieur.

FAUST.

C’est là parler de la bonne manière. Il veut encore que je le remercie de m’ennuyer.

MÉPHISTOPHÉLÈS.

Pauvre fils de la terre, comment aurais-tu sans moi mené ta vie ? Je t’ai pourtant guéri pour longtemps des rêves de l’imagination. Et, sans moi, tu serais déjà parti de ce monde. A quoi bon te morfondre ici comme un hibou, dans les cavernes et les crevasses de rochers ? Pourquoi humer, comme un crapaud, ta nourriture dans la mousse humide et les pierres ruisselantes ? Le beau, l’agréable passe-temps ! Le docteur te tient toujours au corps.

Faust.

Comprends-tu quelles forces nouvelles me donne cette course au désert ? Oui, si tu pouvais le soupçonner, tu serais assez diable pour me frustrer de mon bonheur.

MÉPHISTOPHÉLÈS.

Plaisir surhumain ! Se coucher sur les montagnes dans la nuit et la rosée ; embrasser avec ravissement le ciel et la terre ; s’enfler jusqu’à se croire un Dieu ; fouiller, avec l’ardeur du pressentiment, la moelle de la terre ; sentir dans son sein l’œuvre entière des six jours ; avec une orgueilleuse énergie, savourer…. je ne sais quoi ; parfois se répandre sur toutes choses en effusions d’amour ; dépouiller l’homme tout entier,