Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/319

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frémissant.

Les Mères ! Cela me perce toujours comme un coup d’épée ! Quel est donc ce mot, que je ne^uis entendre ?

MÉPH1STOPHÉLÈS.

Es-tu si borné, qu’un mot nouveau te trouble ? Veux-tu entendre uniquement ce que tu as déjà entendu ? Que rien ne te trouble désormais, quelque son qu’il rende, accoutumé comme tu l’es dès longtemps aux choses les plus merveilleuses.

Faust.

Va, je ne cherche pas mon salut dans la torpeur ; le frémissement est la meilleure part de l’homme. Si chèrement que le monde lui fasse payer le sentiment, quand il est ému, il sent profondément l’immensité.

MÉPHISTOPHÉLÈS.

Eh bien, descends !… Je pourrais aussi dire : monte ! C’est une même chose. Échappe à ce qui existe, dans les libres espaces des images ; jouis de ce qui n’est plus depuis longtemps ; le tourbillon roule comme des amas de nuages : agite la clef ; tiens-la loin du corps !

Faust, transporté.

Bien ! en la tenant ferme, je sens une force nouvelle ; je sens ma poitrine se dilater, pour passer à ce grand ouvrage.

MÉPHISTOPHÉLÈS.

Un trépied ardent t’annoncera enfin que tu es arrivé au dernier, au plus profond abîme. A sa clarté, tu verras les Mères : les unes sont assises, les autres sont debout et marchent comme cela se trouve ; formation, transformation, éternel entretien de l’éternelle pensée. Environnées des images flottantes de toute créature, elles ne te verront pas, car elles ne voient que les schèmes1. Courage alors…. car le péril est grand…. Et cours droit à ce trépied : touche-le avec la clef ! (Faust, la clef à la main, prend fattilude du commandement. Méphistophélès l’observe. ) C’est bien !… Le trépied s’attache à toi ; il te suit comme un serviteur fidèle ; tu montes paisiblement ; le bonheur t’élève, et, avant qu’elles s’en aperçoivent, tu es de retour avec lui. Et, quand une fois tu l’auras amené ici, tu évoqueras du sein de la nuit

1. Idées, types. Nous conservons le mot de Goethe. On prononce skémei.

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