Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/402

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Mais, avant tout, je veux te suivre dans le château. Le reste, je le sais : ce que la reine veut ensevelir au fond de son cœur, que cela soit impénétrable à chacun. Vieille, marche en avant !

Le Chœur.

Oh ! que volontiers nous allons, d’une marche rapide, derrière nous la mort, et devant nous le mur impénétrable de la haute ’ forteresse ! Qu’il nous protège aussi bien que les remparts d’Ilion, qui ne sont tombés enfin que par une ruse infume ! (Des nuages se répandent ; ils couvrent le fond de la scène et, si l’on veut, le- devant même du théâtre.) Que vois-je ? que vois-je donc ? Mes sœurs, regardez autour de vous ! Le jour n’était-il pas serein ? Des’ vapeurs glissent vacillantes et s’élèvent des flots sacrés de l’Eurotas. Déjà la rive charmante, couronnée de roseaux, s’est dérobée à la vue, et les cygnes, libres, gracieux, superbes, qui rasaient doucement les eaux, heureux de nager en troupe, hélas ! je ne les vois plus !

Mais du moins je les entends, j’entends au loin retentir leurs voix rauques, présage de mort, dit-on. Ah ! puissent-elles, au lieu de la.délivrance et du salut promis, ne pas nous annoncer aussi notre perte, à nous, les égales du cygne, sveltes beautés au col de neige, hélas ! et à notre souveraine, la fille du cygne ! Malheur ànous ! malheur !

Déjà autour de nous tout s’est couvert de nuages. Nous ne pouvons nous voir l’une l’autre. Que se passe-t-il ? Marchonsnous ? Ne faisons-nous que tournoyer sur le sol en piétinant ? Ne vois-tu rien ? Hermès peut-être ne vole-t-il point devant nous ? Le sceptre d’or ne brille-t-il pas, nous appelant, nous ordonnant de rentrer chez le triste, Je ténébreux Hadès, peuplé d’insaisissables fantômes, toujours comble, toujours vide ?

Oui, tout à coup l’air devient obscur ; sans éclat se dissipe la nue grisâtre, sombre comme une muraille. Des murs opposent à mes regards, à mes libres regards, leur masse immobile. Estce une cour ? Est-ce une fosse profonde ? Affreux objet, quel qu’il soit ! Mes sœurs, hélas ! nous sommes captives, aussi captives que jamais. (On voit la cour intérieure du château, environnée de riches et fantastiques’bâtiments, dans le goût du moyen âge.)

LA CORYPHÉE.

Étourdies et folles, véritable engeance de femmes ! Esclaves