Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/78

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avec mille témoignages de son amour. Elle m’a donné cet arc et ce carquois richement rempli ; son père les avait conquis sur les barbares. Dès ma première enfance, cet arc me plaisait plus que toutes les armes qui sont suspendues aux grands piliers. Je le demandais souvent ; non point par des paroles : je l’enlevais du pilier, et faisais frémir la corde nerveuse ; puis je regardais en souriant ma chère parente et tournais autour d’elle, et tardais à replacer l’arc. Aujourd’hui mon ancienne envie a été satisfaite : il est à moi maintenant ; je le porterai avec moi, quand j’accompagnerai mon père à la ville.

ÉvadnÉ. 

•C’est un beau présent ! Il t’en dit beaucoup.

ELPÉNOR.

Quoi donc ?

ÉVADNÉ.

L’arc est grand, difficile à courber : si je ne me trompe, tu ne peux encore.

ELPÉNOR.

Je pourrai bientôt.

ÉvadnÉ.

C’est aussi ce que pense ta bonne mère adoptive. Elle a confiance qu’un jour tu sauras, avec la force d’un homme, tendre la corde rebelle ; c’est en même temps un avis qu’elle te donne : elle espère que tu lanceras tes flèches contre un digne but.

ElpÉnor.

Oh ! laisse-moi faire ! Je n’ai encore abattu, à la chasse, que le léger chevreuil, les faibles oiseaux à l’humble vol ; mais, si je puis le tendre un jour….(ô dieux, faites que ce soit bientôt !…) j’atteindrai et ferai tomber du haut de ses nuages l’aigle audacieux.

ÉVADNÉ.

Quand tu seras éloigné de tes montagnes, de tes bois, où tu vécus avec nous jusqu’à présent, te souviendras-tu encore de nous et des premiers plaisirs de ta jeunesse ?

ELPÉNOR.

Tu es donc inexorable ? Tu ne veux pas me suivre ? Tu ne veux pas me donner tes soins plus longtemps ?

ÉVADNÉ.

Tu vas où je ne puis t’accompagner, et tes prochaines années