Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/89

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ANTIOPE.

Il en est temps ; tu peux l’apprendre : écouto. Je te voyais grandir, et j’observais en silence l’élan et la belle énergie de ton affection naïve. Alors je m’écriai : « Oui, il était né pour moi ! En lui je trouve le vengeur du forfait qui a brisé ma vie. »

ELPÉKOR.

Oui ! oui ! Je n’aurai point de repos que je n’aie découvert le coupable, et la vengeance furieuse, indomptée, se déchaînera, avec réflexion, sur sa tête criminelle.

Antiope.

Je veux ta promesse, ton serinent. Je te mène à l’autel des dieux de cette maison. Ces dieux affligés t’accordèrent une heureuse croissance ; ils reposent, courbés, près du foyer déshérité, et nous entendent.

ELPÉNOR.

Je les honore, et leur offrirais volontiers les dons faciles de la reconnaissance.

ANTIOPE.

Une profonde pitié pénètre le cœur bienfaisant des immortels, lorsque s’éteint la dernière flamme du foyer que longtemps ils protégèrent. Nulle famille nouvelle ne fait briller dans la maison une flamme vivement nourrie ; vainement, d’un souffle céleste, ils rallument le reste fumant : la cendre se disperse dans l’air ; la braise s’éteint. Associés aux douleurs des mortels, ils te regardent, la tête inclinée, et ils ne résistent point, ’pour me désavouer, quand je te crie : « Ici, sur cet autel paisible, où le sang ne coula jamais, promets, jure vengeance ! »

ELPÉNOR.

Me voici ! Ce que tu demandes, je le ferai volontiers.

ANTIOPE.

Infatigable, la vengeance va et vient sans cesse ; elle répand ses ministres jusqu’aux extrémités de la terre habitée, pour menacer la tête courbée des coupables. Elle pénètre même dans les déserts, pour chercher si, dans les dernières cavernes, ne se cache point quelque part un malfaiteur ; elle erre ça et là, et passe devant lui avant de l’atteindre. De son sein descendent les frémissements secrets, et le méchant passe avec angoisse des