Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/90

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palais dans les temples, des temples sous le vaste ciel, comme un malade inquiet change de couche Les chuchotements des douces brises matinales dans les rameaux semblent le menacer ; souvent, du sein des nuages pesants, elle se penche vers sa tête, et ne le frappe point ; souvent elle tourne le dos au coupable tremblant, qui a le sentiment de son crime. Dans son vol incertain, elle revient et rencontre son regard fixe. Devant son œil imposant, impérieux, le lâche cœur, palpitant d’une douloureuse convulsion, se resserre dans la poitrine, et le sang chaud passe des membres dans le sein, où il se fige et se glace. Ainsi puisses-tu, si quelque jour les dieux m’exaucent, s’ils te le désignent de leur doigt terrible, te montrer, le front menaçant, à ce malfaiteur ! Compte lentement, sur sa tête chauve, mes années de souffrances. Que la pitié, l’indulgence et la compassion pour les douleurs humaines, compagnes des bons rois, se retirent bien loin et se cachent, alin que, même le voulant, tu ne puisses saisir leur main. Touche la pierre sacrée, et jure d’accomplir toute l’étendue de mes vœux.

ELPÉNOR.

De bon cœur !… je le jure !

ANTIOPE.

Mais qu’il ne soit pas lui seul condamné-à. périr sous ta main : les siens aussi, qui, autour de lui et après lui, affermissent son bonheur terrestre, tu les réduiras à n’être que des ombres. S’il était depuis longtemps descendu dans le sépulcre, mène ses enfants et ses petits-enfants à sa tombe altérée : là tu verseras leur sang, afin qu’en s’écoulant il attire son ombre à l’odeur ; qu’elle s’en repaisse dans les ténèbres, et qu’enfin cette troupe, indignée de mourir, la réveille en tumulte. Que la terreur se répande sur terre chez tous les traîtres secrets qui se croient tranquilles dans leurs cachettes ! Que, du sein de l’angoisse et du souci, aucun ne tourne plus les yeux vers le toit paisible de sa tranquille demeure ! Que nul ne regarde plus avec espérance la porte du tombeau, qui s’ouvre une fois d’ellemême pour chacun, et dès lors, immobile, plus inflexible que l’airain fondu et les verrous, sépare de lui pour jamais les joies et les douleurs ! S’il bénit ses fils en mourant, que le dernier mouvement de la vie s’arrête dans sa main, et qu’il tremble de

CŒTIIE. — TH. III 6