Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/109

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qu’il eût à faire son devoir, et, comme il s’y refusait obstinément, elle lui dit, sans plus de façon, qu’il pouvait aller où il voudrait.

«  Croyez-vous peut-être que je ne saurai pas me passer de vous ? » s’écria-t-il ; puis il sortit fièrement, fit son paquet et sortit, en courant, de la maison.

«  Va, Mignon, dit Philine, procure-nous ce qu’il nous faut : avertis le garçon, et tu l’aideras à faire le service. »

Mignon s’approcha de Wilhelm, et lui dit, dans son style laconique : « Faut-il ? »

Et Wilhelm lui répondit :

«  Mon enfant, fais ce que mademoiselle te commande. » Elle s’occupa de tout, et, toute la soirée, elle servit les hôtes avec grand soin. En sortant de table, Wilhelm tacha de faire avec le vieillard un tour de promenade ; il y réussit, et, après diverses questions sur sa vie passée, qui amenèrent la conversation sur l’ancienne troupe, Wilhelm osa enfin lui demander des nouvelles de Marianne.

«  Ne me parlez pas de cette abominable créature ! s’écria le vieillard. J’ai juré de ne plus y penser. »

Cette exclamation effraya Wilhelm, mais il fut encore dans un plus grand embarras, quand cet homme continua d’invectiver contre la légèreté et le dérèglement de Marianne. Que notre ami aurait volontiers coupé court à l’entretien ! Mais il lui fallut essuyer les orageux épanchements du bizarre vieillard.

«  Je rougis, poursuivit-il, de l’avoir tant aimée, et pourtant, si vous aviez connu particulièrement cette jeune fille, vous m’excuseriez sans doute. Elle était si gracieuse, si naturelle et si bonne, si obligeante et, à tous égards, si facile ! Je n’aurais jamais imaginé que l’impudence et l’ingratitude fussent les traits essentiels de son caractère. »

Wilhelm s’était déjà préparé à entendre sur le compte de Marianne les choses les plus graves, quand il remarqua soudain, avec étonnement, que le ton du vieillard se radoucissait ; qu’il hésitait, et qu’il tira son mouchoir pour essuyer ses larmes, qui finirent par l’interrompre tout à fait.

«  Qu’avez-vous ? s’écria Wilhelm ; quel sujet donne tout à