Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/152

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plus agréable que le palais du comte, qui brillait devant eux sur une colline, avec tous ses étages éclairés, en sorte qu’ils pouvaient compter les fenêtres.

En approchant, ils virent aussi des lumières à toutes les croisées des autres corps de logis. Chacun se demandait quelle chambre il aurait en partage, et la plupart se contentaient modestement d’un cabinet aux mansardes ou dans les ailes.

On traversa le village et l’on passa devant l’auberge. Wilhelm fit arrêter pour y descendre, mais l’aubergiste assura qu’il n’avait pas la moindre place à lui offrir. M. le comte, ayant vu arriver des hôtes inattendus, avait retenu aussitôt toute l’auberge, et, dès la veille, on avait marqué à la craie, sur les portes de toutes les chambres, les noms des personnes qui devaient les occuper. Notre ami fut donc obligé de se rendre au château avec la troupe.

Les voyageurs virent, dans un corps de logis à part, les feux des cuisines, et les cuisiniers allant et venant avec activité ; et déjà ce spectacle les réjouit ; des domestiques, armés de flambeaux, accoururent sur le perron de l’escalier principal, et, à cette vue, le cœur des bons voyageurs s’épanouit : mais quelle fut leur surprise, lorsque cet accueil se convertit en horribles imprécations ! Les domestiques invectivaient contre les cochers, qui avaient pénétré dans la cour, leur criaient de retourner et de se rendre au vieux château : ils n’avaient point de place pour de pareils hôtes. À une réception si grossière et si inattendue, ils ajoutèrent force railleries, et se moquaient entre eux de la méprise qui les avait fait courir à la pluie. Elle tombait toujours par torrents ; pas une étoile au ciel, et la troupe fut menée, par un chemin raboteux, entre deux murailles, dans le vieux château, situé sur les derrières, et inhabité, depuis que le père du comte avait bâti le nouveau. Les voitures s’arrêtèrent, les unes dans la cour, les autres sous la longue voûte de l’entrée du château, et les voituriers, qui n’étaient que des paysans de corvée, dételèrent et partirent avec leurs chevaux.

Personne ne paraissant pour les recevoir, les comédiens descendirent de voiture. Ils appellent, ils cherchent, peine inutile : tout restait sombre et silencieux. Le vent soufflait par la haute porte, et l’on observait avec horreur les vieilles tours et les