Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/160

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attendre la sortie du coiffeur avant de commencer sa lecture. On lui offrit une tasse de chocolat, et la baronne lui présenta elle-même le biscuit. Cependant ce déjeuner ne flatta point son palais : il désirait trop vivement lire à la belle comtesse quelque chose qui pût l’intéresser, et le rendre lui-même agréable à ses yeux. Philine aussi le gênait fort : elle avait été souvent pour lui un auditeur incommode. Il observait avec anxiété les mains du coiffeur, attendant sans cesse l’achèvement du gracieux édifice.

Cependant le comte survint : il parla des hôtes qu’on attendait ce jour-là, de l’emploi de la journée et de diverses affaires domestiques. Lorsqu’il fut sorti, quelques officiers, qui devaient partir avant dîner, firent demander à la comtesse la permission de lui présenter leurs hommages. Le coiffeur avait achevé, et la comtesse fit introduire ces messieurs.

Pendant ce temps, la baronne prit la peine d’entretenir notre ami, et lui témoigna beaucoup d’estime, à quoi il répondait avec respect, quoique un peu préoccupé. Il tâtait quelquefois son manuscrit dans sa poche ; il espérait voir arriver le moment ; mais la patience faillit lui échapper, lorsqu’on introduisit un marchand de nouveautés, qui ouvrit impitoyablement, l’un après l’autre, ses cartons, ses coffres, ses boîtes, et produisit chacune de ses marchandises avec l’importunité propre à cette sorte de gens.

La société devint plus nombreuse ; la baronne regarda Wilhelm, puis elle échangea quelques mots à voix basse avec la comtesse : il le remarqua, sans deviner leur pensée, qu’il finit par s’expliquer chez lui, lorsqu’il se fut retiré, après une heure de vaine et pénible attente. Il trouva dans sa poche un joli portefeuille anglais. La baronne avait su l’y glisser furtivement ; et, aussitôt après, le petit nègre de la comtesse lui apporta une veste élégamment brodée, sans lui dire bien clairement d’où elle venait.