Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/167

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lors à souhait : le comte ne parla plus de la pièce, étant principalement occupé de la décoration transparente, qui devait terminer la représentation et surprendre les spectateurs. Son imagination et l’habileté de son confiseur produisirent en effet une illumination fort agréable : car il avait vu, dans ses voyages, les plus magnifiques spectacles de ce genre ; il avait rassemblé force gravures et dessins, et savait produire avec infiniment de goût tous ces tableaux.

Cependant Wilhelm achevait son travail, distribuait ses rôles, étudiait le sien ; le musicien, qui entendait aussi fort bien la danse, arrangea le ballet, et tout cheminait pour le mieux.

Une difficulté inattendue vint à la traverse, et menaça de laisser une fâcheuse lacune dans la pièce. Wilhelm s’était flatté que la danse des œufs, exécutée par Mignon, produirait le plus grand effet, et quelle ne fut pas sa surprise, lorsque l’enfant, avec sa sécheresse ordinaire, refusa de danser, assurant qu’elle était maîtresse d’elle-même, et qu’elle ne paraîtrait plus sur le théâtre ! Il essaya par mille moyens de la persuader, et ne cessa que lorsqu’il la vit pleurer amèrement et tomber à ses pieds en s’écriant :

«  Mon père, toi aussi, renonce à monter sur les planches ! »

Il ne s’arrêta pas à cet avis, et se mit à songer au moyen de rendre la scène intéressante d’une autre manière.

Philine, qui jouait une des villageoises, et qui devait chanter les solos de la ronde et conduire le chœur, en témoignait d’avance une joie folle. Au reste les choses allaient parfaitement au gré de ses désirs : elle avait sa chambre à par t ; elle était constamment autour de la comtesse, qu’elle amusait par ses singeries, et recevait, en récompense, chaque jour quelque présent. On lui fit aussi un costume pour cette pièce. Comme elle était, par nature, aisément disposée à l’imitation, elle eut bientôt observé, dans son commerce avec les dames, tout ce qui pouvait être séant pour elle, et, en peu de temps, elle était devenue une femme de bon ton et de bonnes manières. Les attentions de l’écuyer n’en devenaient que plus vives, et, les officiers étant aussi fort empressés auprès d’elle, quand elle se vit dans une situation si brillante, elle s’avisa de jouer une fois la prude, et de s’exercer adroitement à prendre des airs distingués. Froide et