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DE WILHELM MEISTER. 205

on crut avoir fait réellement quelque chose d’utile, et avoir ouvert, par cette forme nouvelle, un nouvel avenir au théâtre national.




CHAPITRE III.

Wilhelm, voyant la troupe dans de si bonnes dispositions, espéra pouvoir aussi s’entretenir avec elle du mérite poétique des pièces de théâtre.

Il ne suffit pas, leur dit-il le lendemain, lorsqu’ils furent de nouveau rassemblés, il ne suffit pas que le comédien jette sur une pièce un coup d’œil rapide, la juge sur la première impression, et l’approuve ou la condamne sans examen cela peut être permis au spectateur, qui veut être ému et intéressé, mais qui ne prétend pas juger. L’acteur, au contraire, doit pouvoir rendre compte de la pièce et motiver ses éloges ou sa censure. Et comment le pourra-t-il, s’il ne sait pénétrer dans la pensée et les vues de son auteur ? J’ai remarqué si vivement chez moi-même, il y a quelques jours, le défaut qui consiste à juger une pièce par un seul rôle, à considérer un rôle en lui-même, et non dans ses rapports avec la pièce, que je vous citerai cet exemple, si vous voulez bien m’accorder votre attention.

« Vous connaissez l’incomparable Hamlet de Shakspeare, par une lecture qui vous fit, au château, le plus grand plaisir. Nous résolûmes de jouer cette pièce, et, sans savoir ce que je faisais, je m’étais chargé du rôle d’Hamlet je crus l’étudier, en apprenant d’abord par cœur les endroits les plus forts, le monologue et les scènes dans lesquelles la force d’âme, l’élévation et la vivacité d’esprit ont une libre carrière, et où l’émotion du cœur peut se manifester par un langage pathétique ; je croyais aussi entrer parfaitement dans l’esprit du rôle, en me chargeant