Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/224

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

220 LES ANNEES D’APPRENTISSAGE

m.o" /,f" 1’

geree par des étrangers, que vous l’avez tous examinée, et que chacun de vous l’avait approuvée aussi bien que moi. Si notre voyage s’était accompli heureusement, chacun se ferait honneur de cette bonne idée, s’applaudirait d’avoir conseillé ce chemin, de l’avoir préféré ; chacun se rappellerait avec joie nos délibérations et le suffrage qu’il avait donné maintenant vous me rendez seul responsable ; vous rejetez sur moi une faute, dont je me chargerais sans hésiter, si le plus pur témoignage de ma conscience ne m’absolvait pas, enfin si je ne pouvais en appeler a vousmêmes. Si vous avez des torts à me reprocher, présentez-les convenablement, et je saurai me défendre ; si vous n’avez rien de valable à dire, taisez-vous, et ne me tourmentez pas, maintenant que j’ai un si pressant besoin de repos. »

Pour toute réponse, les jeunes filles recommencèrent à pleurer et à faire le détail de leurs pertes. Mélina était hors de lui, car il avait perdu plus que les autres, et plus que nous ne pouvons imaginer. II se démenait comme un furieux dans la petite chambre ; il se battait la tête contre la cloison, jurait et maugréait de la manière la plus indécente et, l’hôtesse étant venue à ce moment lui annoncer que sa femme était accouchée d’un enfant mort, il se permit les plus violentes invectives, et tous ensemble hurlaient avec-lui, criaient, grondaient, tempêtaient d’une commune voix.

Wilhelm, ému tout à la fois jusqu’au fond du cœur, de compassion pour leur état et d’indignation pour leur bassesse, sentit renaître, dans son corps affaibli, toute la force de son âme.

Vous m’obligez, peu s’en faut, de vous mépriser, s’écria-t-il, si dignes de pitié que vous puissiez être ! 11 n’est point de malheur qui nous autorise à charger de reproches un innocent. Si j’ai eu part à cette fausse démarche, j’en souffre aussi pour ma part. Me voilà blessé, et, si la troupe a fait des pertes, c’est moi qui ai fait les plus grandes la garde-robe qu’on a pillée les décorations détruites étaient à moi, car enfin. monsieur Mélina, vous ne m’avez pas encore payé, et je vous tiens quitte absolument.

Le beau mérite, s’écria Mélina, de donner ce que personne nf reverra jamais Votre argent était dans le coffre de mu