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224 4 LES ANNKHS D’APPRENTISSAGE

et disparaître. Tous les rêves de sa jeunesse se rattachaient à cette image ; il croyait maintenant avoir vu de ses yeux l’héroïque Clorinde ; il se rappelait le prince royal, malade d’amour, et la belle princesse compatissante, qui s’approchait de son lit t avec un silence modeste.

Il se disait quelquefois, dans ses méditations secrètes « Les images de l’avenir ne pourraient-elles planer autour de nous dans le jeune âge comme dans le sommeil, et le pressentiment ne les rendrait-il point visibles à nos regards ingénus ? Les germes de nos destinées futures ne seraient-ils point d’avance répandus par la main du sort, pour nous donner peutêtre un avant-goût des fruits que nous espérons cueillir un jour v

Sur la couche où le retenait sa faiblesse, il eut le temps de se retracer mille fois cette scène ; mille fois il se rappela le son de cette douce voix ; et comme il enviait Philine, qui avait baisé cette main secourable ! Souvent l’aventure lui semblait un rêve, et il l’aurait tenue pour une fable, si le manteau ne lui fût resté pour lui garantir la réalité de l’apparition.

Aux soins extrêmes qu’il prenait de ce vêtement se joignait le désir le plus vif de s’en couvrir. Aussitôt qu’il put se lever, il le jeta sur ses épaules, et tout le jour il fut en crainte d’y faire une tache ou quelque déchirure.

CHAPITRE X.

Laërtes visitait son ami. Il n’avait pas assisté à la scène violente de l’auberge, étant alors couché dans une chambre haute. Il était parfaitement consolé de ses pertes, et prenait son parti, avec son refrain accoutume « Qu’importe ? » Il rapportait à Wilhelm différents traits ridicules de la troupe. U accusait