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264 LES ANNÉES D’APPRENTI SSAGR

qui soit une véritable bûche, et les bûches seules ne peuvent se former, qu’elles soient indociles et inflexibles par vanité, par sottise ou par hypocondrie. D

Ensuite Serlo exposa, en peu de mots, les conditions qu’il pouvait et voulait faire ; il pria Wilhelm de se décider promptement, et le laissa dans une grande inquiétude.

En travaillant à cette singulière relation de voyage supposé, qu’il n’avait entreprise qu’en se jouant, et qu’il composait avec Laërtes, il était devenu plus attentif qu’il ne l’avait jamais été aux conditions sociales et au train journalier de la vie pratique. Il comprit alors pourquoi son père lui avait si vivement recommandé la rédaction de ce journal ; il sentait, pour la première fois, combien ce pourrait être une chose utile et agréable de se faire le centre de tant d’industries et de besoins, et d’aider a répandre la vie et l’activité jusqu’au fond des bois et des montagnes. Cette ville de commerce, si vivante, au milieu de laquelle il se trouvait, et que Laërtes, avec son inquiétude habituelle, lui faisait parcourir en tous sens, lui offrait l’idée la plus saisissante d’un grand centre, duquel tout s’écoule et où tout revient, et c’était la première fois que son esprit goûtait une véritable jouissance à contempler ce genre d’activité. C’est dans ces circonstances que Serlo lui avait fait sa proposition et avait réveillé ses vœux, sa passion, sa confiance en ce qu’il croyait être chez lui un talent naturel, et ses obligations envers les comédiens sans ressource.

« Me voilà de nouveau, se disait-il à lui-même, devant le chemin fourchu, entre les deux femmes qui m’ont apparu dans mon enfance ; l’une ne parait plus aussi misérable ni l’autre aussi magnifique qu’autrefois. Tu te sens une certaine vocation à suivre l’une comme l’autre, et, des deux parts, les considérations extérieures sont puissantes ; il te semble impossible de prendre une résolution tu désires que quelque impulsion étrangère puisse fixer ton choix ; et pourtant, si tu t’observes bien, ce sont uniquement des circonstances extérieures qui t’inspirent une certaine inclination pour le négoce, le gain et la richesse ; mais ce sont les besoins de ton âme qui produisent et nourrissent ton désir de développer et de cultiver toujours d’avantage les dispositions, corporelles ou intellectuelles, pour le bon et le