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DE WILHELM MEIS’TER. 283

après tout, le spectacle n’est jamais qu’une œuvre de compilation et de bigarrure ?

Aujourd’hui ! répliqua Wilhelm ; mais faut-il donc qu’il en soit toujours ainsi ? Tout doit-il absolument demeurer ce qu’il est ? Ne me persuadez pas que vous ayez raison ; car aucune puissance au monde ne saurait m’obliger à respecter une convention que j’aurais signée dans la plus monstrueuse erreur. a Serlo donna à la chose une tournure badine, et pria Wilhelm de méditer encore tout ce qu’ils avaient dit ensemble sur Hamlet, et de chercher lui-même le moyen de le remanier heureusement. Au bout de quelques jours passés dans la solitude, Wilhelm revint avec un air joyeux.

Je me trompe fort, dit-il, ou j’ai trouvé le moyen d’obtenir plus d’ensemble ; je suis persuadé que Shakspeare lui-même aurait fait comme cela, si son génie ne s’était pas si fortement préoccupé de l’objet principal, et n’avait pas été entraîné peutêtre par les nouvelles d’après lesquelles il travaillait. Parlez, lui dit Serlo, en s’asseyant d’un air grave sur le canapé j’écouterai tranquillement, mais pour juger avec d’autant plus de sévérité.

Je ne crains rien, reprit Wilhelm ; écoutez seulement. Après l’examen le plus attentif, après les réflexions les plus mûries, je distingue deux choses dans ce poëme d’abord les grands et intimes rapports des personnes et des événements ; les puissants effets qui naissent des caractères et de la conduite des personnages principaux ; ces effets, pris à part, sont excellents, et l’enchaînement dans lequel ils sont présentés ne saurait être meilleur ; il n’est pas de remaniement qui puisse les détruire, à peine les défigurer ; ce sont là des choses que chacun veut voir, sur lesquelles personne n’ose porter la main, qui se gravent profondément dans les âmes, et qu’on a, dit-on, produites, presque sans exception, sur les scènes allemandes. Seulement, on s’est trompé, je crois, en ce qu’on a considéré comme trop insignifiant le second objet qu’il faut considérer dans cette pièce ; je veux dire les rapports extérieurs des personnages, qui les font passer d’un lieu dans un autre ou qui les unissent entre eux, de telle ou telle manière, par certains événements accidentels ces choses, on ne les a mentionnées qu’en passant, ou même on les