Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/298

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pondit Serlo. L’acteur se plie à son rôle comme il peut, et le rôle s’accommode à lui comme il doit. Mais comment Shakspeare a-t-il dépeint son Hamlet ? Est-il donc si loin de vous ressembler ?

— D’abord, Hamlet est blond, répliqua Wilhelm.

— C’est chercher trop loin, dit Aurélie. Quelle preuve en avez-vous ?

— Il est Danois, il est enfant du Nord, il est de race blonde et il a les yeux bleus.

— Shakspeare a-t-il pensé à cela ?

— Je ne vois pas qu’il le dise formellement ; mais, en rapprochant certains passages, la chose me paraît incontestable. Pendant le combat, il est fatigué, la sueur lui baigne le visage, et la reine dit : « Il est gras, laissez-le reprendre haleine. » Eh bien, peut-on se le figurer autrement que blond et corpulent ? C’est rarement, dans leur jeunesse, le cas des hommes bruns. Et sa mélancolie rêveuse, sa molle tristesse, son inquiète irrésolution, ne conviennent-elles pas mieux a ce tempérament, qu’à un jeune homme au corps svelte, aux cheveux bruns, duquel on attend plus de promptitude et de résolution ?

— Vous déroutez mon imagination ! s’écria Aurélie. Arrière votre gras Hamlet ! Ne nous représentez pas votre prince bien nourri ! Offrez-nous plutôt un quiproquo qui nous plaise, qui nous touche ! L’intention de l’auteur nous importe moins que notre plaisir, et nous demandons un charme qui réponde nos sentiments. »


CHAPITRE VII.


Un soir, la société disputait sur la question de savoir lequel méritait la préférence, du drame ou du roman. Serlo déclara que c’était une dispute inutile et vaine, que l’un et l’autre pou